15 ans de Concertation Chaîne :
une nouvelle déclaration de collaboration pour un avenir durable
Il y a quinze ans, la crise laitière en Belgique a marqué un tournant décisif pour le secteur agroalimentaire du pays. En réponse à cette crise, la concertation de la chaîne agroalimentaire belge a été créée. Quinze ans plus tard, la Foire de Libramont a été marquée par la signature d’une nouvelle déclaration de collaboration entre la Concertation Chaîne et le SPF Économie, visant à pérenniser cette concertation entre l’État belge et la chaîne agroalimentaire.
Laura Lahon
Conseil, Analyse et Politique
FWA

Signature de la nouvelle déclaration de collaboration entre la concertation chaine et le SPF économie
La Concertation Chaîne agroalimentaire rassemble les principaux acteurs du secteur:
– BFA: Fabricants d’aliments composés pour animaux ;
– AGROFRONT: il regroupe l’Algemeen Boerensyndicaat, le Boerenbond et la Fédération Wallonne de l’Agriculture, représentant les agriculteurs ;
– FEVIA: industrie alimentaire ;
– COMEOS, UNIZO, UCM : commerce.
Cette plateforme permanente réunit divers acteurs pour surmonter les défis communs et garantir un approvisionnement alimentaire sûr et abordable pour 11 millions de Belges. Elle promeut également des pratiques commerciales équitables et durables. Aujourd’hui, cette concertation représente 70.000 entreprises et 450.000 emplois, générant un chiffre d’affaires impressionnant de 160 milliards d’euros.
Une nouvelle étape à Libramont
Lors de la récente conférence à Libramont, Jean-Pierre Van Puymbrouck, président de la Concertation Chaîne et membre de la FWA, a signé une nouvelle déclaration de collaboration avec le SPF Économie. Cet accord formalise la création d’une plateforme au sein du SPF Économie visant à structurer la concertation entre la chaîne agroalimentaire et le SPF, assurant ainsi un fonctionnement durable de cette dernière.
Jean-Pierre Van Puymbrouck a déclaré : «Le nouvel accord permet à la Concertation Chaîne de faire appel à l’expertise du SPF Économie, en tant que centre de connaissances, pour nous guider dans les cadres juridiques et en tant que superviseur actif. Il contribue à renforcer nos leviers d’autorégulation par la reconnaissance des organisations de branche et de producteurs, par la généralisation des accords interprofessionnels et ceux des organisations de producteurs représentatives. Ils aident aussi à établir un cadre juridique pour des pratiques commerciales équitables».
Objectifs et fonctionnement de la nouvelle plateforme
La nouvelle plateforme se réunira au moins deux fois par an pour discuter de tous les dossiers liés à la chaîne alimentaire. Elle permettra une concertation préalable pour toutes les actions de collaboration à initier. Le SPF Économie s’engage à fournir un soutien substantiel, notamment par des statistiques, un observatoire des prix, un soutien juridique et la mise à disposition d’un référent neutre. Le SPF Économie apportera un soutien juridique et technique, particulièrement en matière de droit européen, et consultera systématiquement la Concertation Chaîne pour toute initiative législative pouvant impacter la chaîne agroalimentaire. De plus, un référent neutre sera mis à disposition pour soutenir le bon fonctionnement des accords de branche, défendre des relations commerciales loyales et aider à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques contractuelles, tout en garantissant l’anonymat des points de contact.
Un engagement pour l’avenir
Autant de «jalons cruciaux et de piliers importants, issus de la concertation de crise, sur lesquels s’appuyer», a commenté Jean-Pierre Van Puymbrouck, avant d’ajouter qu’à l’instar de la Concertation Chaîne «qui a évolué d’une concertation de crise ad hoc à une plateforme de dialogue à part entière, la Taskforce agroalimentaire pourrait également évoluer vers un dialogue structurel au sein d’une plateforme de concertation interfédérale sur l’agroalimentaire, où les acteurs de la chaîne et les gouvernements se renforcent mutuellement pour parvenir à des pratiques commerciales loyales et une rémunération équitable pour tous les maillons de la chaîne».
David Clarinval, ministre fédéral de l’Agriculture, a souligné l’importance de pérenniser la concertation entre l’État belge et la chaîne agroalimentaire pour favoriser des relations commerciales équitables et des prix justes. Cette nouvelle déclaration de collaboration marque une étape significative dans la consolidation des efforts de tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire belge, assurant ainsi un avenir durable et prospère pour l’agriculture en Belgique.
Agriculture en crise: les réponses gouvernementales
La Foire de Libramont a été l’occasion pour le ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval, de présenter les mesures gouvernementales mises en place en réponse à la crise agricole, telles que la lutte contre la concurrence déloyale et la simplification de la PAC au niveau européen. Cet événement a également permis de faire le point sur les autres réformes menées durant son mandat, notamment la réforme des pensions et la pérennisation du cadre du droit passerelle. Retour sur un mandat marqué par des crises successives et tour d’horizon des avancées marquantes.
Le 25 juillet 2024, un nouvel arrêté royal a été publié au Moniteur belge pour renforcer la lutte contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne alimentaire. Cet arrêté résulte du travail du groupe « juridique » de la Taskforce agroalimentaire, mise en place après les manifestations agricoles de début d’année.
Interdiction de la vente à perte
La principale nouveauté de cet arrêté est l’interdiction de la vente à perte. Lors des réunions de la Taskforce, il est apparu qu’implanter un « Égalim » belge ne faisait pas consensus, mais la protection du revenu des agriculteurs était prioritaire. Ainsi, l’interdiction de la vente à perte a été retenue. Étant donné que les agriculteurs ne disposent pas de prix d’approvisionnement fixes, un travail est en cours pour définir des indicateurs de coûts de production par filière. Les agriculteurs devront se baser sur ces indicateurs approuvés par une organisation de branche, ou démontrer individuellement leurs coûts pour prouver une vente à perte.
Certains cas, comme les denrées périssables, peuvent justifier une vente à perte, d’où l’ajout de cette pratique à la liste grise des pratiques commerciales déloyales, où elle est présumée déloyale sauf preuve du contraire.
Le nouvel arrêté introduit également d’autres pratiques dans les listes noire et grise. Dans la liste grise, le refus de renégocier en cas de changements de circonstances exceptionnelles (théorie de l’imprévision) permet une renégociation contractuelle lorsque des circonstances imprévisibles rendent l’exécution du contrat excessivement onéreuse.
La liste noire interdit désormais le déréférencement déloyal des produits sans notification écrite préalable, ainsi que la compensation unilatérale de pénalités par l’acheteur et l’application d’amendes sans justification écrite. Ces mesures qui permettent une contestation assurent une meilleure protection des agriculteurs et équilibrent les relations commerciales.
Développement d’indicateurs de rentabilité par filière
Le groupe de travail « économie et transparence » de la Taskforce agroalimentaire se concentre sur le développement d’indicateurs de rentabilité par filière. Ces indicateurs, élaborés par le SPF Économie, ne visent pas à fixer les prix de marché des produits agricoles, mais à fournir des outils objectifs aux acteurs de la filière. Les organisations de branche (interprofessions) détermineront comment ces indicateurs devront être utilisés et opérationnalisés.
Deux types d’indicateurs seront créés:
– Indicateur structurel annuel: intégrant les revenus et coûts basés sur les comptabilités de gestion, y compris la rémunération de la main-d’œuvre familiale ;
– Indicateur conjoncturel mensuel : montrant la volatilité mensuelle de la rentabilité en intégrant les principaux coûts et revenus.
D’ici fin 2024, cinq indices seront développés: trois pour la filière porcine (naisseurs-éleveurs, engraisseurs, circuit fermé) et deux pour la filière bovine (naisseurs-éleveurs et engraisseurs).
Revalorisation des pensions des indépendants et réforme du droit passerelle
En tant que ministre des Indépendants, David Clarinval a également mené des réformes impactant les agriculteurs. La revalorisation des pensions des indépendants vise à aligner le montant de leur pension sur celui des salariés, grâce à la suppression du coefficient de correction et à des augmentations successives de la pension minimum.
Le ministre a aussi pérennisé le cadre du droit «passerelle», permettant une activation rapide et flexible en cas de crise. Adapté selon la gravité et la durée de chaque crise, le droit passerelle assure une sécurité juridique et une prévisibilité essentielles pour soutenir les travailleurs indépendants en période de crise.
En bref, ce n’est que la fin du début du commencement
Le ministre Clarinval a démontré une volonté ferme de dresser des constats et d’apporter des solutions innovantes pour répondre aux défis du secteur agricole. Si de nombreux défis restent à relever pour la mise en œuvre de ces mesures, les cadres juridiques et législatifs posés permettent d’avancer. La FWA continuera à être un interlocuteur constructif pour garantir que ces mesures répondent aux besoins du secteur agricole.
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