72 nuances (wallonnes) de simplification

Nous vous en parlons depuis quelques mois déjà, en tant que fidèle lecteur du Pleinchamp, il semble évident que la simplification administrative, qu’elle soit européenne, fédérale ou régionale, pour peu qu’elle soit évidemment agricole, n’a plus aucun secret pour vous ! Et pourtant… Au lendemain d’un quatrième GT (groupe de travail) simplification régional, nous faisons le point avec vous sur les dernières avancées… Car ça avance ! Doucement, certes, mais surement…

Olivia Leruth

C’est devenu un rendez-vous hebdomadaire, celui des avancées des différents niveaux de pouvoir sur la situation difficile du monde agricole. Beaucoup de redite, sans aucun doute, mais au moins la certitude qu’une petite lumière s’est allumée dans l’esprit de nos décideurs concernant le besoin urgent et impérieux de faire quelque chose pour sauver l’agriculture…

Cette semaine, c’est le GT sur la simplification administrative régionale qui s’est tenu ce lundi. Comme à chaque fois, celui-ci réunissait autour d’une même table le Ministre de l’Agriculture et son cabinet, des représentants du cabinet de la Ministre de l’environnement, et des cabinets des autres membres du Kern wallon, les syndicats agricoles, l’administration et le Collège des producteurs.

Si les participants avaient déjà convenu d’avancer sur une série de 72 mesures, il semble assez évident qu’elles ne peuvent pas toutes aboutir en même temps. Pour pouvoir mettre un peu d’ordre dans tout cet imbroglio administratif – c’est le moins que l’on puisse dire – trois catégories de mesures ont été déterminées : les mesures considérées comme « acquises », celles qui sont « en cours de réalisation » et celles qui sont actuellement « en suivi ». On vous fait faire le tour du propriétaire !

Les mesures « acquises »

Attention ! Les mesures dont nous allons parler ici ne sont pas forcément déjà en vigueur. Ce serait évidemment trop simple… Ces mesures sont considérées comme « acquises » car la décision a été prise, l’accord a été trouvé et la procédure est généralement soit achevée, soit dans les tous derniers moments avant l’adoption définitive… On n’est jamais trop prudent !

Parmi ces mesures « acquises », on peut citer les exemples les plus emblématiques :

  • Les clôtures de berge : un accès à l’eau de 4 mètres pourra donc bien être conservé pour le bétail. C’est désormais acté.
  • La mise en place de procédures internes à l’administration wallonne pour s’assurer d’une bonne circulation de l’information aux agriculteurs et ce, uniquement lorsque les démarches qui leur sont demandées ont été testées (et approuvées).
  • L’augmentation à 60 jours du délai pour les recours.

La mise en place de délais « raisonnables ». Entendez par là qu’hors exception, toute mesure qui entrerait en vigueur au 1 janvier devrait être communiquée clairement et valablement aux agriculteurs pour le 1 juillet de l’année précédente. Sans quoi, elle verrait son entrée en application prolongée d’une année… Sauf évidemment en cas de mesures spécifiquement prises au bénéfice des agriculteurs (comme la BCAE8 par exemple), qui pourront là faire partie des fameuses exceptions…

Les mesures « en cours de réalisation »

Pour ces mesures, les décisions à venir laissent peu de place au doute, mais comme on dit, il y a un léger mais … Elles nécessitent soit une temporalité plus longue due à la modification de règlementations (diverses et variées), soit une consultation d’autres parties prenantes, ou encore la mise en place d’applications numériques ou de services spécifiques… Les membres du GT sont cependant unanimes sur la direction prise et la réalisation ou la mise en place de devrait en principe plus qu’être une question de temps…

Pour cette catégorie, les principales nominées sont :

  • Les modifications du PGDA(par exemple en ce qui concerne les notifications des mouvements d’effluents, l’intégration de plus de souplesse dans les dates, etc)
  • Une potentielle réduction de la fréquence des contrôles en ce qui concerne les demandes d’aides.
  • Le développement d’outils numériques spécifiques pour assurer une réelle simplification pour les agriculteurs. Le mot d’ordre : un maximum d’informations au même endroit pour permettre à chacun de consulter tous ses documents et de faire ses projections ou calculs de liaison au sol sans multiplier les sources d’information
  • La poursuite et l’intensification de l’accompagnement des agriculteurs pour l’obtention de leur permis d’environnement, toujours au travers des organisations professionnelles
  • La mise à disposition des check-list de contrôle pour se préparer au mieux à la visite d’un contrôleur
  • L’amplification de la prise en compte du droit à l’erreur

Les mesures « en suivi »

On retrouvera ici les mesures qui nécessitent encore des consultations plus étendues, qu’il s’agissent d’autres secteurs ou d’autres niveaux de pouvoir, et pour lesquelles les parties prenantes ont pris l’engagement de travailler, sans pour autant avoir encore dégagé d’accord ferme et précis.

On parle ici de :

  • La fameuse agriculture de dates qui fait grincer bien des dents
  • La redéfinition du statut d’agriculteur actif, un statut lié notamment à l’obtention des aides de la PAC
  • Mieux analyser les coûts dans le secteur Bio
  • La réévaluation de la proportionnalité des pénalités appliquées aux agriculteurs en cas de non-conformité

Les modifications du plan stratégique wallon en suspension

Comme dit plus haut, le travail avance donc, lentement, mais surement… Sept mesures restent cependant dans une quatrième catégorie, que l’on qualifiera de « à faire ». Ce sont toutes celles qui concernent globalement les modifications du plan stratégique wallon de la PAC. Celles-ci devront faire l’objet de plus amples discussions dans d’autres groupes de travail. Concernant les urgences à ce sujet, on pensera en particulier à la nécessité de prendre une décision rapide concernant la possibilité de destruction des couverts à l’aide de produits phytosanitaires… Un dossier épineux, sur lequel on comprend que les discussions européennes, en marge de la prolongation pour 10 ans du glyphosate, risquent d’être houleuses…

En terme de trajet décisionnel, les éventuels changements du plan stratégique wallon doivent dans un premier temps être discutés au sein du Gouvernement wallon, avec consultation des parties prenantes et des organisations agricoles. Une fois un accord trouvé entre ces parties, le projet de modification devra être envoyé à l’Europe, qui devra les valider. Finalement, elles seront par la suite traduites dans les arrêtés de la PAC et, enfin, applicables sur le terrain. On pourra donc considérer que les changements validés par l’Europe ce lundi pourraient être applicables dès 2025.

Borsus : « L’Europe démontre qu’elle a entendu les agriculteurs »

Après avoir fait le point sur les avancées wallonnes et fédérales (page ci-contre), revenons à l’Europe, aubaine agricole pour certains, mère de tous les maux pour d’autres. Ce mardi, le Ministre wallon de l’Agriculture s’est félicité dans un communiqué de l’adoption par le Conseil européen des propositions d’assouplissements qui avaient été proposées. Celles-ci avaient déjà été votées par le Parlement, et seront dès lors a priori officielles d’ici la fin du mois de mai, et en application déjà rétroactivement depuis le 1er janvier 2024. Selon notre Ministre, « nous devons cependant encore poursuivre les discussions et le travail avec l’Europe. Il est par exemple important d’intensifier et d’améliorer significativement les contrôles aux frontières portant sur la qualité et la conformité des denrées importées, de trouver une solution pour le blé, de généraliser les clauses miroirs dans les traités internationaux… »

Une belle tranche de travail encore sur la planche, planche qu’il sera difficile de débarrasser complètement d’ici les élections, prévues dans moins d’au moins… Mais qui sait ? Rien ne nous interdit de rêver !

Toute l’information agricole directement dans votre boîte aux lettres ?

Abonnez-vous au journal Pleinchamp