A Namur, à chacun sa campagne!

Province de Namur

Lors du dernier conseil communal de Namur, le point concernant la reprise unilatérale par la Ville de sentiers agricoles afin de permettre à tout un chacun de s’y balader, a été reporté sous la pression des agriculteurs locaux. Lesquels, menacés d’être dépossédés de sentiers leur appartenant, ont réagi, allant même jusqu’à brandir la menace de ne plus accueillir d’affiches sur leurs terrains. Ou quand la verte campagne défend son pré carré jusqu’à s’immiscer dans la campagne… électorale.

Ronald Pirlot

Paradoxalement, c’est un point de l’ordre du jour réduit au silence en raison de son report… qui a fait le plus de bruit, la semaine dernière, lors du dernier conseil communal de la Ville de Namur. Il concerne la reprise unilatérale par la Ville de sentiers agricoles situés à Naninne… et appartenant à des privés, en l’occurrence les 5 familles d’agriculteurs qui les utilisent depuis des décennies pour accéder à leurs prairies enclavées dans des bois. L’idée du Collège étant, d’après nos confrères du journal «L’Avenir», d’englober ces sentiers à son réseau de promenades. En d’autres termes, permettre leur accès libre aux piétons, vététistes et autres usagers dits faibles.

Désapproprier et exposer aux incivilités

«Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est d’une part d’être dépossédés, sans autre forme de procès, d’un bout de terre qui nous appartient. Si la Ville veut, qu’elle nous exproprie pour cause d’utilité publique et nous rachète la bande de terrain au prix du marché» commente Pierre Piron, l’un des agriculteurs concernés. «D’autre part, si l’accès au grand public devait se concrétiser, il devra obligatoirement s’accompagner d’une signalétique ad hoc. Nous n’avons pas envie de voir débarquer des quads, motos,… Pas plus que les chiens non tenus en laisse qui coursent nos bovins ou les auteurs d’incivilités habitués à jeter des canettes et autres détritus de plastiques dans l’accotement, avec les risques inhérents en cas d’ingestion par nos bêtes».

Des agriculteurs qui, pour parachever de traduire leur détermination à défendre coûte que coûte leur bon droit, ont brandi la menace d’aller jusqu’à retirer toutes les affiches électorales qui ont fleuri depuis plusieurs semaines sur leurs terres. De quoi donner à ce dossier cet aspect clochemerlesque qui pourrait prêter à rire… s’il n’était symptomatique de velléités communales de plus en plus répandues en Région wallonne.

sentier

Que dit la loi à ce sujet ?

Ce n’est en effet pas le premier cas de figure de ce genre rencontré. Certaines communes estiment en effet que ces chemins sont devenus publics par le passage du public pendant une durée de 30 ans. C’est ce qu’on appelle un «constat de prescription unilatérale». La Commune, à l’initiative de cette reconnaissance, doit pour ce faire soumettre un dossier pour examen au Conseil communal. A l’issue de la démarche, la Commune ne s’approprie pas le sentier, mais se doit toutefois d’agir comme un propriétaire en se chargeant de l’entretien et de la sécurisation du chemin.

Quid du droit des propriétaires, en l’occurrence des agriculteurs? «En agissant de la sorte, la Commune force les propriétaires à se rendre devant le juge de paix pour contester la prescription des 30 ans. En effet, seul un juge peut constater si le chemin est bel et bien emprunté par le public depuis ce délai, et est seul apte à trancher dans ce litige entre l’autorité publique et l’exploitant» explique Maureen Trusssart, conseillère juridique à la FWA.

Convention de tolérance

Et Maureen Trussart de conseiller aux agriculteurs sollicités par l’organisation d’une course pédestre ou d’une marche Adeps par exemple qui souhaiterait emprunter leur sentier privé, de contracter une convention de tolérance avec lesdits organisateurs. Histoire que l’accord n’engendre pas de facto un droit de passage qui rendrait ledit sentier public au bout de 30 ans.

Un dossier qui pose cette question en filigrane : «faut-il sacraliser le droit à la promenade?» Dans un monde où le respect du bien d’autrui est garanti à 100%, la question ne se poserait sans doute pas. Mais les incivilités dont doivent régulièrement pâtir les agriculteurs des terrains bordant les accès publics, avec les dangers d’ingestion de canettes et autres détritus par leur bétail, apportent plus qu’un sérieux doute à cet égard.

Toute l’information agricole directement dans votre boîte aux lettres ?

Abonnez-vous au journal Pleinchamp