Attention à vos conditions de transport et de stockage des céréales!
Interview de Gisèle Fichefet
A l’approche des moissons, FEGRA (Fédération belge des négociants en céréales) attire l’attention sur les conditions de transport et de stockage des céréales. Les contrôles, de plus en plus approfondis, mettent en lumière la présence de résidus d’autres cultures. Explications de sa Secrétaire générale, Gisèle Fichefet.
Propos recueillis par Ronald Pirlot

Pleinchamp: Mme Fichefet, quelle est la situation ayant justifié ce message de prévention?
Gisèle Fichefet: «Il faut savoir qu’au niveau de FEGRA, nous avons un plan d’échantillonnage sectoriel et on reçoit les résultats du laboratoire concernant les analyses réalisées sur les échantillons envoyés par nos membres. Et nous regardons quelles sont les alertes, c’est-à-dire les dépassements de limite maximale de résidus ou des normes en mycotoxines. Dans certains cas, s’il s’avère que le dépassement n’est pas imputable à une erreur d’incertitude de mesures, le membre est obligé de faire une notification à l’AFSCA».
PC: ça, c’est pour la procédure…
GF : «A travers les résultats un peu plus approfondis récoltés depuis 2016, nous avons constaté que les alertes n’étaient pas plus nombreuses qu’avant, mais qu’elles étaient bien présentes, avec des conséquences importantes pour deux raisons.
– D’une part, l’alerte entraîne le blocage du lot. Et on constate depuis plusieurs années un durcissement de l’AFSCA pour débloquer lesdits lots.
– D’autre part, les analyses menées sont de plus en plus fines et on va pouvoir détecter des résultats qui, dans le passé, n’étaient pas détectables.
On s’est donc penché plus précisément sur les types d’alertes et on constate que dans 85%, 90% des cas, voire 95% des alertes proviennent de produits utilisés par l’agriculteur soit au stockage, soit durant sa récolte. D’où notre démarche vers l’Agrofront de dire: attention, il y a des soucis! Mais on ne dit pas bien évidemment que l’agriculteur utilise sciemment un produit qui n’est pas autorisé. Mais, s’il utilise un produit qui n’est plus autorisé en céréales, ou qui ne l’a jamais été mais est permis dans d’autres cultures (par exemple les pommes de terre) et qu’il stocke ou transporte ses céréales dans un contenant ayant accueilli une matière première traitée, cela peut entraîner une contamination croisée. Des résidus de substances qui, bien qu’interdites en céréales, se retrouvent alors chez le négociant. Lequel ne peut évidemment pas stocker chaque benne réceptionnée dans des box séparés. Ce qui veut dire que si un échantillon provenant d’une benne de 30T est positif, c’est tout le silo qui se retrouve bloqué et devra être évacué par des sous-échantillonnage de 100T, voire 50T comme le demande parfois l’AFSCA. Imaginez le coût pour des silos de 3.000 tonnes!».
PC : Mais à partir du moment où un agriculteur livre un produit dépourvu de résidu chez un négociant, est-ce normal qu’il soit pénalisé parce que son lot se retrouve dans un silo où il a été mélangé avec des céréales où est détectée une contamination croisée? Ce n’est pas de son fait!
GF : «L’agriculteur qui a fourni un produit sans résidu n’est pas pénalisé d’une manière ou d’une autre. Pour l’instant, dans pareil cas de figure, le seul pénalisé est le négociant. Et il n’est pas question de sanctionner les agriculteurs qui livrent des marchandises dépourvues de résidu, mais d’attirer l’attention des agriculteurs sur le fait qu’il y a des produits non autorisés en céréales et qu’ils doivent nettoyer leurs bennes… La très grande majorité le fait. Il y en a également qui ont commis une contamination et qui ne le savaient pas ou qui pensaient que certains produits étaient encore autorisés». (Ndlr: la liste est disponible sur Phytoweb).
PC : Est-ce facile d’identifier le lot à la source de la contamination et à quoi s’expose le cultivateur identifié?
GF : «Lors de chaque arrivage de céréales chez le négociant, un échantillon est pris et mis sous scellés. Dans le cas de son autocontrôle ou si l’acheteur final ou l’AFSCA détecte une contamination, le négociant devra rechercher qui est responsable en analysant les échantillons des fournisseurs qui ont alimenté le silo. On voit que, désormais, c’est de plus en plus demandé! Et vu que ce sont des analyses urgentes, cela représente un coût!»

PC : Et les sanctions?
GF : «A ma connaissance, pour l’instant, il n’y a pas de sanction. Le négociant ne va pas se retourner sur l’agriculteur. Mais notre volonté au niveau des négociants, c’est de pouvoir à l’avenir contracter une «assurance contamination» pour couvrir le coût des analyses ou de la destruction d’un silo s’il faut en arriver là! De même que nous plaidons pour que les agriculteurs puissent avoir également une assurance car leur assurance civile couvre les problèmes sur exploitation, mais pas «après-livraison». Et si le négociant seul est assuré, pensez bien qu’il sera dédommagé… mais que l’assurance risque alors de se retourner sur le responsable. Il y a de grosses discussions à ce sujet. Notre objectif n’est bien évidemment pas de faire payer la totalité d’un silo de 3.000T à l’agriculteur qui a fourni 30T. D’où l’objet de notre avertissement pour attirer l’attention de l’agriculteur sur le risque de stocker ou transporter ses céréales dans une benne ou un lieu qui a accueilli des matières premières traitées avec des produits non autorisés en céréales».
PC : Une fois encore, c’est de la responsabilité du négociant de mélanger les céréales?
GF : «Vous le savez comme moi, il est logistiquement impossible de faire des loges de 30T ou de faire des analyses avant de stocker! Nous, on veut sensibiliser les agriculteurs pour dire qu’au moins il y aura de cas, au mieux on se portera. Or, on se rend compte qu’à l’avenir, on va vers des méthodes d’analyse de plus en plus poussées».
PC : Existe-t-il des méthodes pour nettoyer ?
GF : «C’est compliqué car on sait qu’une matière comme le CIPC par exemple, reste présente dans le béton. On a beau nettoyer, ça ne part pas. Dans l’Affiche verte, nous avons mentionné une clause qui dit clairement qu’on ne peut pas stocker des céréales dans un hangar ayant contenu une matière première traitée avec un produit non autorisé en céréale. Une fois encore, notre démarche est juste d’attirer l’attention sur les bonnes pratiques et sur les risques. Il n’est nullement question d’autre chose».
En bref
A l’approche de la saison des moissons, il convient:
– de rester vigilant quant aux risques de contaminations croisées des céréales ;
– d’éviter de transporter ou stocker des céréales dans des contenants ayant accueilli une matière première traitée (par exemple un antigerminatif en pommes de terre) ;
– de veiller à bien nettoyer les bennes de transport des céréales, de tout résidu.
Mais aussi de vérifier que l’on dispose bien d’une assurance responsabilité après livraison.
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