Benoît Cassart
un véritable homme de terrain à l’Europe
Nous vous en parlions la semaine dernière, Benoit Cassart, agriculteur wallon et membre de la FWA, s’est vu attribuer le troisième siège remporté par le MR au Parlement Européen. Un score historique pour le parti, boosté par la présence de la bienaimée Sophie Wilmes, superstar des voix de préférence, qui permet ainsi à un véritable homme de terrain d’accéder à la fonction d’eurodéputé. Ce défi, Benoit Cassart, « européen convaincu » selon ses propres termes, l’aborde avec confiance et enthousiasme, lui qui se présentait pour la troisième fois aux élections européennes. Votre Pleinchamp fait le point avec celui qui, après avoir porté de nombreuses années la voix de l’élevage, se fera désormais le porte-parole de tout le secteur agricole wallon au cœur de l’Europe.
Propos recueillis par Olivia Leruth

Benoit Cassart lors de la manifestation du 26/02/24
Pleinchamp : La nouvelle du score historique du MR au niveau européen, et du troisième siège décroché par le parti, est tombée au cours de la nuit de dimanche à lundi. Comment l’as-tu appris et quelle a été ta réaction ?
Benoit Cassart : J’étais au QG du MR à Bruxelles, Sophie Wilmes nous avait demandé d’y assister tous ensemble avec les candidats européens. Ce qui a été extraordinaire, et pas seulement lors de cette soirée mais tout au long de la campagne, c’était l’esprit d’équipe entre nous. Il faut dire que nous étions vraiment solidaires et que nous nous sommes tous tirés les uns les autres. C’est ça qui explique en partie le résultat incroyable de cette année. Evidemment, l’élément majeur est la popularité incroyable de Sophie Wilmes, c’est elle qui a véritablement porté le score et qui a fait que la liste a dépassé les 900.000 voix alors qu’elle était en dessous des 500.000 en 2019. Mais elle a aussi su réunir sur sa liste des profils très différents tout en étant très complémentaires, elle a su aller chercher des personnes qui sont allées pêcher des voix dans de nombreux secteurs, et on peut dire que la mayonnaise a vraiment pris, on s’est tous vraiment entraidés. C’est assez dingue.
PC : Est-ce que tu t’attendais à un succès aussi fulgurant pour la liste MR cette année ?
BC : Je dois avouer que je n’ai pas été complètement surpris, j’étais conscient qu’il y avait une réelle chance. Pour la bonne et simple raison que trois vieux renards de la politique l’avaient prédit : Louis Michel, Gérard Deprez et Marc Tarabella. Tous les trois m’avaient dit que j’avais une réelle chance de passer. Qd ces trois-là, qui cumulent ensemble plus de 50 ans d’expérience au Parlement Européen et donc « sentent » bien les léections, te disent que tu as une chance, tu y crois.
PC : A côté des bonnes personnes, il y avait aussi des idées. Selon toi, quels étaient les points forts du programme défendu par le MR ?
BC : De manière générale, le MR cartonné parce qu’il a mis en évidence qu’il fallait recréer une différence revenu entre les gens qui travaillent et ceux qui bénéficient d’allocation sociales. Je suis un centriste, je suis sincèrement partisan d’un système qui prend en charge les gens qui vivent des difficultés, mais il faut pouvoir conserver un revenu supérieur pour ceux qui font avancer l’économie. Il y a eu un véritable déclic au niveau de la population autour de ce point-là. Mais je pense aussi qu’en ce qui me concerne, ce score est lié à la nécessité de rapprocher l’Europe et ses institutions de la réalité de terrain. Et je pense que beaucoup de gens y ont été sensible en ce qui me concerne. En plus de cela, la cause des agriculteurs a été fort médiatisée ces derniers mois. Si l’on réunit tout cela, qu’on le combine à la popularité de Sophie Wilmes, à l’expérience d’Olivier Chastel et au dynamisme de tous les jeunes sur la liste, ça fait forcément bingo.

Sophie Wilmes, Benoit Cassart et Aline Depas
PC : D’un point de vue personnel, c’est ta troisième participation, dont deux au MR et une auprès de Defi. Revenir au MR, c’était une évidence ?
BC : Tout d’abord, je tiens à dire que je n’ai aucun problème avec Defi. Ce n’est pas un parti rural, mais ils ont toujours été super corrects avec moi, et m’ont donné l’occasion de défendre l’agriculture en 2019. Avant cela, j’avais déjà été candidat pour la liste MR. Mais au moment de la crise Vevibat, j’avais eu quelques divergences de vue avec le gouvernement fédéral, et ça n’aurait pas eu de sens d’être candidat sur la liste MR après cela. Ça a été une expérience très positive, et elle m’a aussi permis de me faire respecter par le MR car ma démarche et ma ligne de conduite restaient cohérentes. Pour ces élections-ci, la question s’est à nouveau posée, et cela faisait partie d’une démarche assez rationnelle. Le MR a peut-être eu ce « plus » d’avoir cette sensibilité rurale qu’on retrouve moins chez Defi.
PC : On le sait, les libéraux sont souvent définis comme des défenseurs du libre-échange, et celui-ci n’a pas toujours joué en faveur des agriculteurs au cours de ces dernières années. Comment penses-tu pouvoir faire peser la balance en faveur du monde agricole ?
BC : Déjà lorsque j’entends ça, ça me fait beaucoup rire, car le PPE (Parti Populaire Européen, Ndlr) et les socialistes ont été – autant que les libéraux – signataires de tous les accords de libre-échange depuis 30 ans. Aujourd’hui, tous les partis centristes, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont d’accord pour dire qu’on est allés trop loin et qu’il faut mettre des balises à tout ça. Les clauses miroirs sont désormais incontournables, et je vais plus loin, elles n’ont de sens que si elles sont basées sur des complémentarités naturelles et plus sur du dumping social ou environnemental. Prenons un exemple concret : il est tout à fait logique qu’on exporte de la viande au Moyen orient, et que l’on en importe du pétrole. Mais il n’est pas logique qu’on importe de la viande d’Amérique du sud, il faut pouvoir faire la part des choses. Par contre je suis tout à fait contre l’idée de dire que tout commerce est mauvais. Pour moi, le commerce européen permet de rapprocher les peuples et de favoriser le bien-être des populations. Mais cela doit être géré de manière rationnelle. La base, c’est qu’il est hors de question d’importer chez nous des aliments produits dans des conditions qu’on n’accepte pas sur notre territoire. Tout le monde est d’ailleurs d’accord là-dessus, ce n’est pas une idée qui m’appartient.
PC : On entend beaucoup parler d’un regroupement des Engagés et du MR au sein de Renew, le parti centriste européen. Qu’en penses-tu ? Est-ce faisable ?
BC : Personnellement, je n’ai aucun problème avec Yvan Verougstraete, on s’entend d’ailleurs très bien. Et Renew pourrait s’en trouver renforcé, alors qu’il a perdu des plumes au niveau européen au profit des partis des extrêmes. C’est d’ailleurs selon moi plus là que se tiendra le débat, dans la lutte contre l’intégrisme. Renew est un parti centriste, et c’est pour ça que je m’y retrouve bien. C’est aussi le plus européen des partis, ce qui me convient en tant qu’européen convaincu. J’ai toujours voulu aller à l’Europe, et nulle part ailleurs. Je suis très reconnaissant envers l’Europe. C’est vrai, c’est extraordinaire, l’Europe, c’est d’abord la paix entre peuples européens, la possibilité de faire prospérer notre économie, mais c’est aussi l’occasion de découvrir d’autres cultures… C’est une série d’avancées au niveau humain qui sont incroyables. Et c’est aussi la aussi où se prennent toutes les décisions importantes au niveau agricole.
PC : Renew est aussi un parti avec une sensibilité environnementale assez marquée. Le MR ne serait-il pas plutôt du côté des conservateurs en ce qui concerne ses prises de position agricoles ?
BC : C’est vrai, au niveau européen, le PPE (dans lequel siège actuellement les Engagés) est plus à droite que Renew, au contraire de ce que l’on voit en Belgique. C’est qui est important, c’est de rappeler que le MR n’est absolument pas un parti contre l’environnement. Nous demandons juste que l’on évolue de manière posée AVEC les agriculteurs et pas contreeux, et qu’on le fasse de manière réaliste. Un bel exemple est celui du nucléaire. Si l’on avait écoiuté les Ecolos, aujourd’hui on aurait tous froid. Dans le domaine alimentaire, on ne peut pas décider de passer à du zéro phyto alors que les technologies de rechange ne sont pas encopre suffisamment au point aujourd’hui. On doit rester réalistes, mais avec l’ambition réelle d’évoluer, de manière cohérente et positive, en prenant en compte les progrès de la science, et en incluant le commerce international. Si l’on arrive à prendre en compte ces deux éléments, ce sera déjà un gros pas en avant. La pire chose qui pourrait arriver à l’Europe, c’est une transition écologique ratée, qui engendrerait une situation où nos fermes n’auraient plus de successeur, où l’agriculture deviendrait une espèce de jardinage qui ne produit plus de nourriture, et qui nous forcerait à avoir recours à l’import pour nous nourrir. Et nous n’aurions plus aucun moyen de négocier les standards auxquels devront répondre les produits importés, car nous n’allons évidemment pas arrêter de nous nourrir. Ecologiquement, ce serait un non-sens complet. La disparition de notre agriculture serait la pire catastrophe écologique que l’on pourrait connaître. Je suis donc partisan d’une agriculture qui avance progressivement, avec le progrès scientifique et le commerce, plutôt qu’un retour au à l’agriculture « rêvée » qui était celle de nos grands-parents.

PC : Ce nouveau poste est un énorme défi pour l’homme de terrain, déjà bien occupé, que tu es. Comment pourras-tu gérer cette nouvelle casquette européenne avec tout le reste ?
BC : Il va évidemment falloir que je me réorganise au niveau de mes activité. J’ai déjà trois casquette : je suis secrétaire général de la Fédération des marchands, qui malgré qu’elle soit une toute petite association, prend pas mal de temps ; il y a aussi ma ferme, où je n’exclus pas de devoir peut-être réduire le cheptel ; puis évidemment ma société Fabroca, qui commercialise des paillettes en BBB et qui compte 4 employés. Je cherche déjà activement quelqu’un pour me remplacer au quotidien pour la Fédération des marchands, pour me libérer du temps mais aussi pour des raisons déontologiques, je ne peux pas être représentant d’un lobby, même si mon but reste de représenter la filière. Il n’y a aucune incompatibilité pour le reste. Ma priorité est de gérer de manière optimale mon mandat européen, car c’est une chance pour l’agriculture wallonne d’avoir quelqu’un qui soit réellement issu du terrain. Et je vais maintenant devoir me constituer une équipe pour travailler de manière pointue et fouillée. Ma représentation, c’est la représentation du secteur agricole au Parlement Européen. Ce ne sera pas toujours évident, c’est un secteur compliqué où il y a parfois des intérêts divergents, il faudra pouvoir faire des arbitrages. Mais c’est une filière toute entière que je défens, pas juste les marchands. Mon enjeu principal de ces jours-ci sera de m’entourer des bonnes personnes.
PC : Quand entreras-tu pleinement en fonction ? As-tu déjà pu réfléchir aux commissions que tu souhaiterais rejoindre ?
BC : J’entrerai en fonction le 16 juillet, au moment du premier vote du Parlement Européen, qui sera celui de la présidence du Parlement européen. D’ici là, j’espère être entièrement opérationnel avec une bonne équipe, et m’être déjà penché sur certains dossiers. Pour les commissions, j’ai demandé l’agriculture en priorité évidemment, ainsi que la suppléance pour deux autres commissions, le transport évidemment, dans laquelle devraient se discuter les nouvelles règles en matière de transport animal mais aussi certains enjeux environnementaux, et le fonds européen de développement régional. Nous en avons discuté à trois avec Sophie Wilmes et Olivier Chastel, on compte vraiment collaborer entre les trois selon nos compétences respectives.
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