Froments 2024
Bilan de la qualité technologique des récoltes
La récolte de froments 2024 présente un bilan contrasté: des rendements en baisse et des poids à l’hectolitre décevants, mais une qualité technologique globalement satisfaisante. Les conditions climatiques difficiles ont pénalisé l’assimilation de l’azote et favorisé le développement des maladies, mais la performance des variétés permet de répondre aux besoins de la meunerie et de l’amidonnerie. Retour sur les caractéristiques techniques de cette moisson et sur l’importance du choix variétal pour maximiser la valorisation des lots.
Laura Lahon, d’après le Livre Blanc
Conseillère Coopératives et chargée de projet céréales bio
Conseil, Analyse et Politique (CAP)
©Michael Persson
Les précipitations abondantes, débutant à la mi-octobre, ont marqué l’ensemble du cycle de culture. Ces pluies ont eu pour conséquence de retarder les semis et de compliquer les opérations de désherbage d’automne. Les températures douces de février et mars ont favorisé un fort tallage, augmentant le risque de verse en fin de cycle. Néanmoins, ce sont surtout les températures fraîches de la mi-avril à la mi-juin qui ont compromis la bonne croissance des plantes, en perturbant des phases critiques comme la floraison et le remplissage des grains.
Ces conditions météorologiques ont eu plusieurs impacts notables: une mauvaise assimilation de l’azote par les plantes, ce qui a pénalisé la croissance des épis et leur fertilité, le développement de maladies comme la fusariose et l’ergot, en particulier dans les parcelles avec un enherbement important, ainsi qu’un remplissage déficient des grains lié au manque d’ensoleillement et à la mauvaise remobilisation de l’azote, affectant directement le rendement.
Des caractéristiques techniques contrastées
La récolte 2024 se distingue par une combinaison inattendue de caractéristiques liées à des années pluvieuses et sèches, influençant directement la qualité technologique du froment.
- Teneur en protéines: les conditions pluvieuses ont permis une qualité panifiable élevée de la protéine, mais les faibles rendements ont entraîné une teneur en protéines faible (comme lors d’une montaison et un remplissage en condition sèche). La teneur moyenne en protéines est de 11,1% MS. En temps normal, des rendements plus élevés permettent une concentration plus importante des protéines dans les grains.
- Poids à l’hectolitre (PHL): la moisson sèche a produit des grains ayant un poids à l’hectolitre bas (73,4 kg/hl en moyenne), similaire à celui des grains prégermés. 40% des lots présentent un PHL inférieur à 73,0 kg/hl, ce qui rend ces grains inexploitables par les amidonneries exigeantes.
- Temps de chute de Hagberg: malgré des poids à l’hectolitre faibles, le temps de chute de Hagberg, indicateur clé de la qualité de panification, est particulièrement élevé (souvent supérieur à 300 secondes), démontrant une très bonne qualité panifiable (comme un remplissage des grains en condition sèche).
Représentativité des variétés
L’analyse des lots réceptionnés montre une diversité de qualité technologique, adaptée aux différents usages industriels :
- Froment panifiable premium (Q1): représente seulement 3% des lots. Les variétés les plus fréquentes dans cette catégorie sont LG Keramik, KWS Dag, Mentor et KWS Emerick.
- Froment panifiable supérieur (Q2): Avec 49% des lots, cette catégorie est la plus représentée. Elle est principalement destinée à l’amidonnerie, où une bonne teneur en protéines est exigée.
- Froment pour amidonnerie (Q3): Ces variétés représentent 31% des lots et sont majoritairement orientées vers des usages industriels dans l’amidonnerie.
- Froment fourrager (Q4): Les froments basiques (17% des lots) sont destinés à l’alimentation animale, mais certaines variétés spécifiques de type biscuitier (Q4B) peuvent être valorisées pour des usages alimentaires.
Impact financier du poids à l’hectolitre
Le poids à l’hectolitre (PHL) est un paramètre qui a un impact financier direct pour les agriculteurs. Pour chaque kg/hl en dessous de 75 kg/hl, l’agriculteur perd environ 1% de la valeur de sa récolte, équivalant à une perte de rendement. Depuis 2021, seulement 48% des lots ont atteint cette barre des 75 kg/hl, bien que 80% aient dépassé 72 kg/hl, seuil requis par la principale amidonnerie belge. Heureusement, pour le secteur de l’alimentation animale, qui absorbe 46% des lots wallons, le PHL n’a pas d’influence sur la valeur nutritionnelle.
Cependant, le système belge de mesure du PHL présente des lacunes, notamment en raison de l’absence de contrôle officiel sur les appareils de mesure, l’analyse d’échantillons non nettoyés, et l’absence de standardisation en fonction de l’humidité des grains. Cela conduit à des résultats souvent imprécis, et les exigences des transformateurs en matière de PHL, parfois trop élevées, ne sont pas toujours justifiées.
Zoom FWA
La qualité technologique des récoltes de froment 2024 est globalement satisfaisante, mais les producteurs doivent faire face à de mauvais rendements et à un poids à l’hectolitre (PHL) inférieur aux attentes. Ce dernier point a un impact direct sur la valorisation des céréales et constitue un véritable enjeu financier pour l’ensemble des agriculteurs. Il est essentiel que le PHL soit réévalué pour mieux correspondre aux réalités du terrain. Trop de producteurs subissent des pertes économiques évitables en raison de normes commerciales déconnectées de la pratique agricole. Nous demandons une simplification des pratiques commerciales, notamment autour du PHL, afin de permettre aux agriculteurs de valoriser pleinement leurs récoltes. Dans un contexte où l’amidonnerie et l’alimentation animale sont des débouchés majeurs, il est urgent de mieux adapter les critères de qualité aux réalités du marché, pour que vos efforts soient justement récompensés.
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