Comment réagir face à un acte d’agribashing?
Province de Hainaut
L’agribashing est un phénomène malheureusement de plus en plus fréquent, en raison souvent d’un savant cocktail d’ignorance et de bêtise. Que faire dans pareille situation ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre Samuel Coibion, d’Agricall, lors d’une rencontre organisée à Libramont par la Province de Hainaut.
Ronald Pirlot
Sur l’écran du téléviseur, on distingue un riverain venu admonester, sur sa terre, un agriculteur qui travaillait le dimanche et qui, de ce fait, perturbait son apéritif entre amis. Le néorural très soucieux de son petit confort s’est permis de garer sa voiture devant le tracteur de l’agriculteur pour l’empêcher d’avancer. «Et vous, à sa place, qu’auriez-vous fait?» questionne Samuel Coibion, d’Agricall, à l’assemblée venue écouter ses explications lors d’une conférence organisée à Libramont par la Province de Hainaut. «Même si je sais que c’est très difficile, j’aurais essayé de lui expliquer que la météo nous oblige à travailler le week-end s’il le faut pour pouvoir produire la nourriture qu’il consommera. Et je lui rappellerai que j’ai tout à fait le droit de travailler le dimanche» explique Patrick Pype. Sauf que, dans le cas présent, l’énervement illégitime du plaignant lui a fait perdre le peu de raison qu’il lui restait. De sorte qu’il ne voulait rien entendre et se montrait menaçant. «Dans ce cas, je me serais senti agressé et je pense que la tension serait très vite montée. Il n’aurait pas fallu grand-chose pour que je roule sur sa voiture avec mon tracteur…» sourit Patrick.
Faire baisser la tension…
Une réaction totalement compréhensible, mais pourtant à proscrire. Pour Samuel Coibion, la première chose est de faire baisser la tension en prenant le temps, en s’écartant un peu s’il le faut, voire en faisant appel à une tierce personne comme un édile ou un agent de police afin de faire respecter la loi. «L’escalade de la tension n’améliorera pas l’écoute mutuelle, que du contraire!».
Après, il convient de savoir sur quel plan se concentre le mécontentement du riverain. Est-on sur des faits, de l’opinion ou des émotions? «S’il s’agit d’opinion, il est possible de discuter et de lui faire entendre raison. Par contre, si l’on est complètement dans l’émotion, il faut répéter une sorte de boucle du style: «s’il te plait, retire ta voiture. Tu es sur un terrain privé et la loi m’autorise à travailler le dimanche. C’est ce que je vais faire. Alors, retire ta voiture», à seriner en boucle pour montrer sa détermination».
Pour Samuel Coibion (Agricall), la priorité est de faire diminuer la tension
Une conférence engagée par Maxime Albanèse
Maxime Albanèse, éleveur à Modave, agronome et membre de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA), a animé une conférence captivante, déjà plusieurs fois présentée depuis les manifestations de ce début d’année, sur les défis actuels de l’agriculture.
Maxime Albanèse a commencé par un constat alarmant, mais bien connu: en 30 ans, la Wallonie a perdu 50% de ses exploitations agricoles, et ses chefs d’exploitation sont vieillissants. Il a également souligné les spécificités géographiques de la Wallonie, région où l’élevage reste important car particulièrement lié à la terre.
En retraçant l’histoire agricole, il a illustré les facteurs qui ont façonné l’agriculture moderne, ainsi que les crises actuelles et les défis futurs. Le modèle traditionnel de locavorisme, où l’on produit et consomme localement, a été perturbé par la globalisation, ce qui a entraîné un déséquilibre dans le système agricole.
Maxime a également abordé l’évolution de la Politique Agricole Commune et ses divers objectifs, qui ont dû s’adapter aux changements de contexte et aux attentes sociétales. Il a noté que les consommateurs, bien que théoriquement en quête d’une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, sont souvent contraints de reléguer ces critères au second plan en raison de contraintes budgétaires avec des répercussions directes pour le producteur.
La conférence de Maxime Albanèse a suscité de nombreuses réactions parmi le public, soulignant la nécessité pour le secteur agricole de communiquer avec les consommateurs et la société civile. En partageant les réalités de terrain, Maxime a offert un regard lucide, engagé et passionné sur la situation de l’agriculture. Son discours, ancré dans les faits, a incité à la réflexion, interpellé, mais a également transmis un message d’espoir. Maxime a conclu en encourageant chaque citoyen à entamer ce dialogue avec leurs agriculteurs voisins pour mieux comprendre leurs réalités et renforcer les liens entre agriculteurs et consommateurs.
… et faire preuve de pédagogie
La situation est parfois encore un cran plus compliqué lorsqu’il s’agit de voisin direct avec qui il faut composer au quotidien. «Il est important de maintenir une relation pour le futur. Cela passe par des efforts à faire en termes de pédagogie. Ce n’est pas toujours simple mais il faut pouvoir y arriver pour maintenir une certaine sérénité dans les relations de voisinage appelées à perdurer dans le temps» ajoute Samuel Coibion.
Victime d’une dénonciation calomnieuse
La bêtise humaine atteint parfois des limites insoupçonnées. Francine, agricultrice en Wallonie picarde, l’a appris à ses dépens. Un jour, profitant de son absence, une jeune femme que Francine avait l’habitude de saluer lorsqu’elle promenait son chien, a profité d’une absence de l’agricultrice sur sa ferme pour aller faire des photos dans l’étable et dénoncer des abreuvoirs vides, des animaux laissés dans leurs excréments… Et la jeune femme, activiste dans une association prédicatrice du vivre ensemble selon des préceptes en lien direct avec la nature, les a aussitôt postées sur Facebook, engendrant l’arrivée d’Animaux en péril. Sauf que la dénonciatrice, peu au fait d’une activité d’élevage, ne connaissait pas le concept de paillage, d’actionnement de l’abreuvoir par la bête avec son museau… Elle avait même confondu le poney avec un… âne !
En attendant, quelle publicité pour Francine… et de son activité de ferme pédagogique! «Je n’ai pas voulu porter plainte car j’ai eu peur de représailles – on ne sait jamais sur un site aussi vaste qu’une ferme –, mais je suis allée déposer une main courante».
Toujours est-il que la dénonciatrice a été entendue et a déménagé, non sans avoir dû prendre ses distances avec l’association au sein de laquelle elle militait. En attendant, Francine a dû subir les conséquences de cette dénonciation à la fois bête et méchante… Et totalement gratuite.
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