Coup d’accélérateur contre les pratiques commerciales déloyales

Le Conseil des Ministres a approuvé le vendredi 3 mai un projet d’arrêté royal crucial concernant les pratiques commerciales déloyales, porté par les ministres fédéraux David Clarinval et Pierre-Yves Dermagne. Cette décision, à laquelle la FWA a joué un rôle actif, marque une avancée significative en étendant l’interdiction de la vente à perte au secteur agricole. Si vous avez manqué notre précédent article sur ce sujet, nous vous offrons ici un résumé détaillé des mesures nouvellement adoptées.

Laura Lahon et Thomas Demonty

En 2019, l’Union européenne a adopté une directive sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire. Cette directive vise à protéger les fournisseurs de petite et moyenne taille contre les abus des acheteurs de plus grande envergure. Elle classe les pratiques commerciales déloyales en deux catégories: la liste grise, regroupant les pratiques présumées déloyales sauf preuve du contraire ; et la liste noire, incluant les pratiques déloyales et interdites quelles que soient les circonstances. La Belgique a transposé cette directive en 2021.

Contexte et objectifs

Malgré cette directive, les déséquilibres persistants dans les relations entre fournisseurs et acheteurs ont suscité une indignation dans le monde agricole. Pour remédier à cette situation, un projet d’arrêté royal, complétant la liste des pratiques commerciales déloyales, a été adopté. Cette initiative résulte d’un accord au sein de la Taskforce agroalimentaire dans laquelle la FWA a joué un rôle actif en portant vos revendications.

Mesures clés

Le renforcement de l’interdiction de la vente à perte constitue l’une des principales modifications apportées à la liste grise. Désormais, acheter des produits au fournisseur à un prix inférieur à ses coûts de production est expressément prohibé. Cette mesure, soumise à l’appréciation au moment de la conclusion du contrat, place la charge de la preuve sur l’agriculteur, qui doit se baser sur des indicateurs de coûts de production approuvés ou, à défaut, sur une démonstration individuelle. Le choix de vendre à perte reste cependant possible dans certains cas, comme pour les denrées périssables.

Une nouvelle pratique, ajoutée à la liste grise, est le refus de renégocier en cas de changements de circonstances, en utilisant la théorie de l’imprévision. Cette notion juridique permet la renégociation d’un contrat suite à des circonstances exceptionnelles et imprévisibles, rendant son exécution excessivement onéreuse.

Le projet d’arrêté royal introduit également plusieurs pratiques dans la liste noire, interdisant notamment le déréférencement déloyal des produits ainsi que le déréférencement sans justification écrite préalable. Tout déréférencement devra désormais être précédé d’une notification écrite motivée. De plus, il interdit la compensation unilatérale par l’acheteur de pénalités indemnitaires et l’application d’amendes sans justification écrite préalable, permettant ainsi à chaque partie de se justifier ou de se défendre.

Conclusions et perspectives

Bien que ces mesures ne se traduiront pas directement par une augmentation du revenu des agriculteurs, elles représentent une avancée significative dans la protection des petits et moyens fournisseurs du secteur agroalimentaire. Leur objectif est de rétablir un équilibre plus équitable dans les relations entre les entreprises et de garantir une meilleure protection des parties les plus vulnérables de la chaîne d’approvisionnement.

Pour garantir l’efficacité de l’interdiction de vente à perte, un travail conséquent est en cours pour développer des indicateurs de coûts de production permettant d’identifier ces pratiques. Ces indicateurs seront élaborés selon le modèle du «tunnel» de prix. En cas de dépassement du seuil établi, l’Observatoire des prix déclenchera automatiquement un mécanisme d’alerte, nécessitant une réunion immédiate des parties prenantes pour trouver des solutions appropriées. Notre objectif est de veiller à ce que les indicateurs mis au point par le SPF Économie soient fiables et efficaces. Affaire à suivre.

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