Crise agricole
bilan à trois mois
Du 6 au 9 juin prochain, 400 millions d’électeurs européens décideront de notre avenir commun. Ces élections interviennent dans un contexte géopolitique particulier et nécessitent plus que jamais une action coordonnée au niveau européen, notamment en matière d’agriculture.
Laura Lahon, Thomas Demonty et Virginie Debue

Arrêté royal contre les pratiques commerciales déloyales
Le 3 mai 2024, un arrêté royal a été validé pour renforcer la lutte contre les pratiques commerciales déloyales (ou Unfair Trade Practices – UTP, en anglais) dans le secteur agroalimentaire. Cet arrêté vise à donner plus de pouvoir de négociation aux agriculteurs et à rééquilibrer les rapports de force au sein de la chaîne agroalimentaire. Actuellement en examen par le Conseil d’État, il devrait être publié dans les prochaines semaines.
L’arrêté ajoute deux pratiques à la liste noire des pratiques interdites en toutes circonstances: le déréférencement abusif, qui consiste à retirer des produits des rayons de manière injustifiée, et l’imposition automatique de pénalités par l’acheteur sans justification préalable.
De plus, l’arrêté inclut de nouvelles mesures dans la liste grise des pratiques autorisées seulement avec accord mutuel. Il s’agit du refus de négocier en cas de circonstances imprévisibles rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse et de l’interdiction d’acheter des produits au fournisseur à un prix inférieur à ses coûts de production. Cette mesure fait reposer la responsabilité de la preuve sur l’agriculteur, en utilisant des indicateurs de coûts de production approuvés ou, à défaut, en présentant une démonstration individuelle.
Indicateurs de rentabilité pour une meilleure transparence
Pour mieux encadrer la vente à perte, des indicateurs de rentabilité seront développés dans les principales filières agricoles. Deux types d’indicateurs seront mis en place:
- un indicateur annuel structurel, tenant compte de tous les coûts et revenus, y compris la main-d’œuvre familiale, pour évaluer la situation à long terme ;
- un indicateur mensuel conjoncturel pour suivre la volatilité des revenus et coûts à court terme. La filière bovine sera la première concernée, avec des indicateurs attendus pour septembre 2024.

Renforcer l’Observatoire des prix
Le SPF Économie va renforcer son Observatoire des prix pour mieux répondre aux défis agricoles. Parallèlement, la Commission européenne a annoncé la création d’un Observatoire des Prix européen, visant à accroître la transparence des prix sur l’ensemble du marché intérieur. Cet organisme, composé d’environ 80 membres, inclura les autorités agricoles des États membres ainsi que des représentants des différentes filières. La première réunion de cet Observatoire est prévue pour juillet 2024.
Sensibiliser les consommateurs aux achats responsables
Une campagne de sensibilisation fédérale, complétée par des initiatives régionales, sera lancée pour promouvoir des achats responsables et en adéquation avec les valeurs des consommateurs. L’objectif est d’éduquer les consommateurs à la lecture des étiquettes et à l’origine des produits afin de renforcer le soutien aux agriculteurs locaux. Le lancement de cette campagne est prévu pour septembre 2024.
Clarifier l’étiquetage des produits
En matière d’étiquetage des produits, régit au niveau européen, un dossier a été soumis par le SPF à la Commission européenne sous la présidence belge. Ce dossier vise à clarifier les règles d’étiquetage alimentaire et à réaliser une étude d’impact sur l’élargissement de l’obligation de mentionner l’origine des produits. La balle est dans le camp de la Commission.
Simplification de la PAC
Le Parlement européen a voté, suite à un processus législatif accéléré, le paquet de simplifications de la PAC pour la rendre plus pragmatique et adaptée aux pratiques agricoles, tout en allégeant les charges administratives pour les agriculteurs. Les États membres doivent intégrer ces changements dans leur plan stratégique respectif. En conséquence, le plan stratégique wallon de la PAC sera ajusté pour refléter ces modifications. La Wallonie doit donc implémenter ces changements et les faire approuver par l’Union européenne.
Mesures spécifiques en Wallonie
Au niveau wallon, les efforts se sont concentrés sur la simplification administrative: 110 revendications ont été analysées et 69 mesures retenues. Parmi les mesures déjà acquises, on note l’allongement du délai de recours à 60 jours, la mise en œuvre d’une dérogation pour la BCAE 8, et une flexibilité accrue pour les dossiers concernant la construction de bâtiments mixtes (privé/professionnel) dans le cadre des aides à l’investissement. Au niveau des clôtures de berge, un accès à l’eau de 4 mètres pourra bien être conservé pour le bétail. La stabilité des règles a également été améliorée, avec toutes les règles connues fixées au 1er juillet. D’autres mesures sont encore en cours de réalisation car elles nécessitent des changements de législation.
Zoom FWA
Actuellement dans les fermes, les changements ne se sont pas encore concrétisés. Néanmoins, il serait erroné de prétendre que rien n’a été entrepris ni obtenu.
- Tout d’abord, les manifestations de février ont réussi à placer l’agriculture au centre des débats, notamment en pleine période électorale.
- Au niveau fédéral, l’entrée en vigueur de l’arrêté royal UTP est prévue dans les prochains mois. Un délai sera accordé pour la mise en conformité des différents contrats, et la FWA organisera une séance d’information à ce sujet.
- L’utilisation de l’article sur la vente à perte sera également soumise à la publication des indices de coûts de production, sur lesquels la FWA continuera à collaborer avec le SPF Économie pour proposer des indicateurs solides dans les plus brefs délais. Par ailleurs, de nombreux sujets nécessitant des ajustements législatifs seront abordés au niveau belge dès cet été.
- Au niveau régional également, peu de changements sont visibles sur le terrain pour l’instant, ce qui est attendu car les textes législatifs doivent d’abord être adaptés. Il n’était pas envisageable, d’un point de vue légal, de ne pas respecter les obligations actuellement en vigueur.
En somme, le processus est en marche, les autorités ont pris des engagements. La FWA s’attèle à concrétiser ces engagements en actions ! Nous surveillerons également la période de transition qu’impliquent les « affaires courantes » et veillerons à une transition harmonieuse avec les nouveaux gouvernements. Notre travail se poursuit sans relâche.
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