Démo TransFarm

L’agrivoltaïsme, une solution pour le climat…, Mais à quel prix ?

Le mercredi 08 mai, le gratin de l’agrivoltaïsme se réunissait à la ferme expérimentale de la KULeuven pour y rencontrer des personnalités politiques européennes. Entre discours et démonstrations, le message semble promouvoir l’agrivoltaïsme, dédaignant l’agriculture d’aujourd’hui, l’incitant à s’adapter plus vite que la musique…

Lucie Darms, Conseillère Air-Climat, Energie, Recyclage, Agroécologie et Apiculture
Martin Van Kerckhove, stagiaire en Droit européen

Dans le cadre du projet HyPErFarm qui réunit le Boerenbond et la KULeuven sur l’étude de l’agrivoltaïsme, la ferme expérimentale TransFarm a ouvert ses portes le 8 mai dernier. Agriculteurs, chercheurs, coopératives, fournisseurs de technologies et décideurs politiques étaient réunis sous les auspices de la présidence belge de l’Union européenne. Si l’ambition première est d’actionner des pistes de solution durables pour atteindre l’objectif neutre en carbone à l’horizon de 2050, les moyens à déployer sont plus débattus. Par un «soutien massif à l’agrivoltaïsme» assure machinalement l’Europe, oui mais attention, «pas à n’importe quelles conditions» lui rétorquent les organisations agricoles.

Le ton est donné

Après un discours d’introduction donné par Gerard Govers, Vice-recteur de la KU Leuven et Frans De Wachter, Secrétaire général du Boerenbond,  la parole était à Kurt Vandenberghe, de la DG Clima de la Commission européenne. Ce dernier a rappelé les objectifs Climat et Agriculture avec quelques chiffres édifiants sur le réchauffement (qui monte deux fois plus vite que prévu en Europe), mais aussi une approche très théorique des solutions. Parmi ces dernières sont régulièrement revenus les termes «carbon-free farming» (agriculture sans carbone), «espoir», «coopération multidisciplinaire», «levier économique» et bien sûr «innovation».  Bien que manquant d’une dimension de terrain, l’orateur a confirmé que la Commission européenne considérait l’agrivoltaïsme comme un contributeur-clé au mix d’énergies renouvelables.

En parlant de mix énergétique, la société TZ Energie, faisant partie du projet international Eager (promotion agrivoltaïsme), parlait de l’agrivoltaïsme comme la solution pour délaisser la biométhanisation au rang d’option. Un peu surprenant pour un pays comme l’Allemagne qui a déjà bien avancé sur la question… En fait, la biométhanisation prendrait jusqu’à 11 fois moins de place! 

L’objet de la journée était bien sûr de nous montrer les résultats de plusieurs années d’essais, dans cette ferme expérimentale «Transfarm». Se basant sur la capacité d’une terre à accueillir avec performance la production agricole et la production énergétique cumulées, le doctorant en charge de l’étude a observé l’irradiation, la productivité et la qualité des parcelles par rapport à des témoins. Il a remarqué que la perte de productivité agricole est variable en fonction du type de culture – parce que les plantes n’ont pas toutes besoin du même degré d’irradiation pour pousser -, et en fonction de la qualité du sol.  Il n’y avait par exemple pas d’impact significatif sur la teneur en sucre des betteraves avec ou sans panneaux.

Enfin, le Boerenbond a donné le point de vue des agriculteurs flamands sur la question: s’inspirer et investir seraient les deux mots-clés, pour tendre vers la promesse poétique de «Farmers with power». Tom Schaeken, conseiller du Boerenbond, rappelle néanmoins les questions auxquelles il est important de savoir répondre avant de se lancer: quel contrat nous lie au promoteur énergétique? A qui vendre l’électricité produite? Faut-il tendre vers une communauté d’énergie? Faut-il fixer le prix de l’énergie ensemble? 

Oui… Mais !

C’était la bonne date pour utiliser cette expression. Car même si tous les discours rappellent les enjeux climatiques, les ambitions énergétiques, l’opportunité d’installer des panneaux sur les champs pour les agriculteurs…, le Boerenbond a rappelé un point crucial: l’impact sur le foncier! Les bénéfices de l’agrivoltaïsme restent cloisonnés et les conséquences peuvent être dommageables pour l’ensemble du secteur. Ces temps-ci, le climat est tellement omniprésent qu’on en oublie l’alimentation, qui reste un aspect des plus importants dans notre société.

Démonstrations en extérieur

Si l’agrivoltaïsme wallon tend plutôt vers des systèmes d’ombrière pour l’élevage, il est intéressant de voir qu’en Flandre, la KUL se dirige vers la culture exclusivement. Avec leur canopée fixée verticalement et les systèmes de trackers, ils étudient l’adaptabilité pour une terre sous rotation (plus grande liberté de culture et plus grande flexibilité sur l’agencement de la compétition pour capter le soleil). Mais ces structures sont plus invasives (béton au sol), plus hautes (minimum 5 mètres) et donc plus chères.

A côté de ses premiers panneaux, certes de petites tailles, nous pouvions découvrir les recherches sur la production d’hydrogène, les laveurs d’air et la réalité virtuelle (Université d’Arrhus).

Appel aux autorités

La FWA appelle les autorités à donner un cadre juridique à la définition d’agrivoltaïsme ainsi qu’à son application, actuellement trop flou. Aujourd’hui, les projets sont tantôt acceptés, tantôt refusés, et la circulaire du Ministre Borsus a été réouverte pour autoriser les projets pilotes… que personne ne peut encadrer. Dans ce contexte schizophrène, on ne peut pas brandir l’agrivoltaïsme comme une solution pour une agriculture sans carbone, car nous n’en connaissons pas encore l’impact.

Moratoire sur l’agrivoltaïsme de la FWA

Le 14 mars dernier, le Ministre Borsus a actualisé la circulaire relative aux permis d’urbanisme pour le photovoltaïsme, ouvrant le champ à des projets dits «pilotes» et dits «cadrés par le CRA-W». Considérant qu’aucun cadre n’existe et qu’aucune force vive n’est en place au CRA-W pour traiter ces projets pilotes, nous demandons un moratoire de tout projet agrivoltaïque (c’est-à-dire sur une terre où il y avait une activité agricole jusqu’alors) jusqu’à ce que:

  • des études d’impacts chiffrées et complètes aient été demandées par les autorités publiques wallonnes. Celles-ci doivent au minimum traiter de:

            – la pression foncière accrue ;

            – la disparition des terres agricoles ;

            – la différence de rendement sous les panneaux photovoltaïques.

  • Un mécanisme soit identifié pour répondre à l’objectif cité dans la circulaire « «ne pas contribuer au renchérissement du foncier»? ». Et que le caractère «significatif» des projets qui «n’ont pas d’impact significatif sur le coût du foncier agricole» soit précisé.
  • Les termes «qualité médiocre d’une terre» de la circulaire soient précisés.
  • Un mécanisme de contrôle soit à même de juger que les panneaux photovoltaïques ne compromettent pas l’affectation future de la réhabilitation d’une friche.

Notre position FWA, qui pointait la priorité à mobiliser les friches industrielles, les toitures et les zones d’activité économique, reste bien sûr d’actualité. Pour les terres de culture et de prairie, notre position est maintenant stricte. La FWA travaille sur un cadre de développement de l’agrivoltaïsme au sein du Cluster Tweed, organisation compétente pour apporter une proposition constructive pour l’ensemble des secteurs.

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