La boucherie, une formation pleine de… débouchés
cap sur l’ITCA
Véritable pépinière de jeunes artisans bouchers, l’ITCA (Institut des techniques et des commerces de Suarlée fait figure de référence en Wallonie en matière de formation. Mais malgré l’assurance d’avoir entre deux et trois propositions fermes d’emploi à la fin de ses études, les aspirants ne se pressent pas au portillon. Avis aux amateurs, la pénurie guette une filière pourtant pleine de débouchés!
Ronald Pirlot

Les élèves de l’ITCA sont certains d’avoir un métier à l’issue de leur formation (©ITCA)
Qui dit de la Fourche à la Fourchette inclut bien évidemment dans l’équation toutes celles et ceux qui transcendent les matières premières agricoles, les magnifient pour leur donner ce goût inimitable qui fait exploser nos papilles. Parmi ces acteurs figurent assurément, au sein de la filière viandeuse, les artisans bouchers et charcutiers. Si on les questionne, bon nombre d’entre eux vous diront, le torse bombé de fierté, être issu de l’ITCA de Suarlée. Un institut qui fait référence dans le domaine, et dont la première ligne a été écrite en 1953 par Pierre-Emmanuel Verbeelen. Lequel, constatant l’absence d’une école de formation au métier de boucher, décide de créer sur fond propre le premier établissement pédagogique en la matière. Au fil de son histoire, l’école s’adjoint une filière en boulangerie.
Pénurie de candidats
Installée dans un écrin de verdure sur les hauteurs de Namur, à Suarlée plus précisément, l’école s’est révélée être un vivier d’artisans au cours de ces dernières décennies. «Sur les 120 artisans bouchers qui sortent chaque année en Wallonie, on peut considérer que 90 sont issus de chez nous» explique la directrice, Anne Thonon.
Si sa filière boulangerie connaît un regain depuis l’émergence de concepts télévisuels tels que «Le Meilleur Pâtissier», son alter ego viandeuse ne connaît pas la même courbe d’évolution. Là où ils étaient encore plus de 450 élèves voici plusieurs années, ils ne sont plus qu’une petite centaine d’aspirants bouchers… pour une filière qui, pourtant, ne manque pas de… débouchés!
«Nous avons eu deux étudiants partis au Québec et qui ont dû rentrer plus tôt que prévu. L’un des deux, avant d’atterrir à Bruxelles, avaient déjà reçu trois offres d’emploi. Un autre élève, particulièrement doué, a signé son contrat de travail avant la fin des examens» confie Daniel Brunin, chef d’atelier de la section boucherie. «Chaque jour, je reçois deux, trois offres d’emplois. Ce matin encore, une agence d’intérim me contactait pour répondre à une urgence» abonde la directrice. Au point que certains élèves négocient même leur contrat de travail gratifié de l’un ou l’autre avantage.
Métier de passion
Cette pénurie de candidats s’inscrit dans l’ère du temps, à savoir le désintérêt pour les filières techniques et professionnelles. «Pour beaucoup, on ‘descend’ en professionnel, on ne choisit pas. Alors que notre discours est au contraire de dire: «vous avez choisi d’être les professionnels de demain»» commente la directrice. «Je peux vous dire que tous nos élèves ont choisi cette filière parce qu’ils sont passionnés. S’ils ne le sont pas, l’aventure tourne court» surenchérit Daniel. Lequel s’émerveille de voir, à chaque journée portes ouvertes de l’école, le retour des anciens particulièrement fiers de montrer à leurs enfants l’école où ils ont fait leurs classes. Un sentiment d’appartenance particulièrement prégnant, que l’on retrouve également à l’Ecole de Saint-Quentin, à Ciney.

Daniel Brunin, chef d’atelier boucherie, devant les jambons de Meuse en pleine maturation (©Pleinchamp)
Large part à la pratique
Si l’ITCA de Suarlée est à ce point sollicité par les professionnels du secteur, il le doit en grande partie à sa réputation, acquise sur une pratique au quotidien. «Par semaine, les élèves ont entre 17 et 18h d’ateliers. Le reste se répartit dans les cours généraux» explique Daniel Brunin. Avec ses 3.500 mètres carrés dédiés à la pratique, qui comprennent des ateliers de découpe (bœuf, porc, agneau…), salle de cuisson, fumoir, atelier de charcuterie supérieure (tout ce qui est sec) et inférieure (tête pressée…), l’école dispose d’un terrain de jeu à nul autre pareil. Mais son plus grand atout est sans nul doute son agrément CE qui lui permet de réceptionner des pièces de viande fournies par des bouchers de la région, les transformer et rétrocéder les produits transformés qui finiront sur les étals desdits bouchers grâce à un système de traçabilité mis au point par l’AFSCA. Ce qui permet non seulement aux élèves d’apprendre leur métier directement sur de la viande de très haute qualité avec des standards très stricts, mais avec ce supplément d’âme de savoir que leur démarche a du sens dès lors qu’elle participe à la finalité à laquelle il se destine : fournir un produit de qualité pour nourrir la population. «Sans compter, et c’est important, que nous mettons un point d’honneur à ce que chaque élève s’exerce autant que ses camarades».
Un métier en évolution
Daniel Brunin en a vu passer des élèves au fil des ans. Il a également été aux premières loges pour constater une évolution du métier. «Bien des choses ont changé. Et en bien. A commencer par le matériel, qui évite désormais de porter de lourdes charges. Mais aussi au niveau du bien-être familial, avec désormais des horaires réguliers et une attention accrue à la vie de famille». Pour le chef d’atelier, l’avenir du métier se conjugue avec la proximité et la transparence envers le client. «La communication fait désormais partie intégrante du métier. Il faut parler de la viande, afficher la noblesse de ses origines, la passion de l’éleveur, l’amour du travail bien fait et la prédominance accordée à la satisfaction du client». Bref, une démonstration de l’authenticité du produit, conformément aux souhaits de consommation. Et qui démontre qu’au-delà de perpétuer une tradition, l’école se situe bien dans l’air de son temps.
Trois voies d’accès au métier
L’élève qui souhaite devenir artisan boucher au sein de l’ITCA voit trois possibilités s’offrir à lui :
– soit il rejoint l’école en 3 professionnel. Au terme de la 6, il recevra son diplôme de boucher-charcutier avec une possibilité de 7 année «traiteur-organisateur de banquet». A la clé, un CESS (Certificat d’enseignement secondaire supérieur);
– soit il la rejoint en 4 technique et, au bout de la 6, il obtient son CESS et sa gestion.
– une troisième possibilité s’offre aux candidats, à savoir suivre la filière CEFA (cours en alternance) avec 2 jours à l’école et trois jours en entreprise. Ici encore, à l’issue de la formation, l’élève reçoit une certification similaire à celle qui ponctue l’enseignement professionnel.
«Mettre en valeur l’élevage de mon père»
Nathan De Lie (dont le papa est agriculteur à Sûre)

«Depuis que j’ai 12 ans, je sais que je veux devenir boucher. Une conviction renforcée après une semaine d’essai dans une boucherie de Naomé. Dès que j’aurai réussi ma gestion, je souhaite ouvrir une boucherie dans la ferme familiale, à Sûre, pour mettre en valeur la production de mon père. Je souhaite m’inscrire dans le circuit court et défendre les petits élevages familiaux.
Ce qui me plaît dans le métier? Prendre un produit brut et le transformer en produit fini. Si je devais citer un produit qui me plait particulièrement, je dirais la saucisse sèche. Je ne suis pas Ardennais pour rien (rires). Mais je sais également que je devrai miser sur les plats traiteurs parce que c’est ça qui marche».
«On peut assurer la découpe pour un agriculteur»
Si la plupart des exercices pratiques effectués par les élèves le sont à partir de carcasses fournies par les mêmes bouchers locaux à qui ils rétrocèdent les produits finis, il peut arriver qu’ils œuvrent directement pour des particuliers, que ce soient un service traiteur pour un repas organisé par des associations ou, plus rarement, un mariage. Mais aussi directement pour des éleveurs. «Dernièrement, nous avons été sollicités pour découper un agneau. Cela permet à nos élèves de s’aguerrir sur ce genre d’animal». Et les agriculteurs ? «Celui qui souhaite tuer une bête pour sa consommation personnelle peut nous solliciter (boucherie@itca.be). Si nous disposons d’un créneau horaire pour le faire, c’est avec plaisir que nous procéderons à la découpe et au conditionnement».
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