Prix provincial des acteurs de la transition écologique et alimentaire :

La colzamique réinvente les condiments à la sauce liégeoise

Province de Liège

Avec la crème colzamique, le Moulin du Stwerdu invite la gastronomie italienne à la table de la cuisine liégeoise. À moins que ce ne soit l’inverse ? Car ce surprenant mélange culinaire vous propose une crème balsamique revisitée à base de bons produits liégeois… Et Oufti que c’est bon !

Florian Mélon

Ça ressemble à de la crème de balsamique, ça sent comme la crème de balsamique, ça goûte comme de la crème de balsamique… Jusqu’à ce qu’arrivent un surprenant léger goût sucré et une rondeur qui viennent casser l’acidité naturelle du balsamique : ce n’est pas un petit bout d’Italie que vous avez en bouche mais bien un produit liégo-liégeois, 100% local et naturellement bon : la crème colzamique du Moulin du Stwerdu !

Ce nouveau condiment, aussi surprenant par son goût que par sa composition, se propose comme une délicieuse alternative locale au vinaigre et à la crème balsamiques : une base d’huile de colza pressée au moulin, du vinaigre de cidre de la région, de la moutarde bien de chez nous, un mélange d’épices pour relever l’ensemble et… une touche d’authentique sirop de Liège artisanal pour faire de cette crème de colzamique la crème des condiments.

« L’idée derrière ce produit 100% liégeois et 100% authentique est de proposer une alternative à la crème balsamique, nous explique Laurent Van Asselt, l’agronome qui se cache derrière l’huilerie du Moulin du Stwerdu. On a créé ce produit à deux, avec mon associé restaurateur. La colzamique remplace très bien le balsamique tout en étant composé uniquement de bons produits du terroir, un point essentiel puisque mon partenaire est aussi nutrithérapeute. Et son petit plus, c’est ce goût aigre-doux rond et surprenant qui plaît beaucoup aux amateurs de cuisine ! »

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Laurent Van Asselt pose fièrement avec son colzamique dans son atelier de Fallais ©FM/Pleinchamp

Un prix pour partir à la conquête de la Cité ardente

Fort de son produit original et audacieux, le Moulin a participé en cette fin d’année au Prix des Acteurs de la Transition Écologique et Alimentaire 2024 de la Province de Liège, un concours dont l’objectif est de mettre en évidence des initiatives qui participent concrètement à la transition écologique, énergétique et alimentaire du territoire provincial.

Et la colzamique du Moulin du Stwerdu fait partie des 8 lauréats primés sur plus de 40 dossiers réceptionnés ! À la clé : un beau coup de projecteur mais surtout un prix de 5000€ qui va permettre à Laurent Van Asselt de pouvoir étendre son réseau de commercialisation en direction de la métropole liégeoise. « On fonctionne bien dans la région mais on ne nous trouve pas facilement à Liège : les Liégeois ne peuvent nous acheter que dans deux magasins de la ville… Mais il y a quand même beaucoup plus que deux magasins à Liège, il me semble, nous raconte, rieur, le producteur de Fallais. Avec ce prix, on va pouvoir partir à la rencontre des liégeois et faire goûter notre produit, présenter notre moulin, s’ouvrir à un nouveau marché,… On n’aurait pas su le faire sans. »

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La crème de Colzamique du Moulin du Stwerdu ©FM/Pleinchamp

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« Tout est parti, l’armoire est vide » nous montre Laurent Van Asselt, preuve du succès de cette nouvelle crème colzamique ©FM/Pleinchamp

Objectif Stwerdu

Entre la production d’huile, le travail à façon et les produits dérivés du Moulin, comme la colzamique, l’huilerie arrive à un stade de développement qui va lui permettre de repenser l’objectif premier du projet : retaper le vieux Moulin du Stwerdu, le dernier moulin à huile de Belgique datant de 1620. « L’objectif de base a toujours été de préserver et de valoriser le Moulin. C’est quelque chose d’unique, chargé d’histoire. Dites-vous que Louis XIV a positionné ses canons dans la prairie du moulin, que des générations de Braivois y ont vécu, commercé ou flemmardé au soleil, qu’on y a fait de l’huile mais aussi, brièvement, de la craie,… On veut le remettre en état, dans son jus, en respectant son histoire… Parce qu’au final, on n’est qu’une toute petite partie de l’histoire du Moulin du Stwerdu ! »

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Laurent Van Asselt au milieu de son huilerie braivoise ©FM/Pleinchamp

Récolte de noix : une saison catastrophique

« On n’a jamais vu une récolte comme ça, nous lance tout de go Laurent Van Asselt, nos noyers n’ont presque rien donné, et c’est pareil pour nos contacts. C’est la catastrophe. » Face à ce constat et soucieux de comprendre l’étendue du problème, l’agronome a lancé un sondage sur Facebook pour essayer d’avoir une vision objective de la situation. Les résultats sont clairs : la situation des noix est catastrophique et pourrait annoncer un futur plutôt sombre pour les producteurs wallons.

Sur 279 arbres, 126 noyers n’ont rien donné, 96 n’ont produit que très peu de noix, 36 peu de noix, 15 ont produit normalement, 6 ont donné des noix en suffisance et… aucun noyer n’a su donner beaucoup de noix. Autant dire que l’huilerie du moulin ne va pas avoir une belle saison en ce qui concerne les noix. « Les ¾ des arbres n’ont rien donné ou si peu, c’est du jamais vu… Et ce n’est malheureusement pas lié à la rythmicité de l’arbre (un noyer donne une bonne production une année sur deux). Si c’est pareil dans le futur, ça va être problématique. »

Et l’agronome d’analyser les causes de cette quasi-pénurie : un épisode de gel en avril qui semble avoir fait des dégâts mais surtout les pluies anormalement abondantes d’octobre à juillet ayant empêché la bonne pollinisation des arbres. « La pollinisation des noyers ne se fait pas grâce aux insectes mais par le vent. Avec la pluie qu’on a vécue, le pollen n’a pas été distribué d’un arbre à l’autre, il a été immédiatement et irrémédiablement plaqué au sol. »

Et quant aux arbres qui ont su polliniser, et donc produire, les noix sont bien plus petites que la normale, la faute à un déficit d’ensoleillement au printemps, « le printemps le moins ensoleillé depuis 100 ans ! » Et Laurent Van Asselt d’ajouter : « Trop de pluie, trop peu de soleil, ça tue la récolte… Mais ça peut aussi tuer nos arbres : l’humidité asphyxie nos sols et cela va avoir des répercussions sur le long terme si des maladies y apparaissent, ce qui affaiblirait encore davantage l’arbre, le laissant nu face à d’autres maladies, etc. » Autant dire que l’agronome craint pour le futur : « le changement climatique va être problématique pour l’avenir, c’est certain… »

Du haut de ce moulin, 400 ans d’histoire de Braives nous contemplent

« Stwerdu, ça veut dire tordoir en fait puisque c’est ainsi que fonctionnait les roues du moulin, en tordant les graines pour en faire de l’huile. Donc avant, il y avait plein de moulins du stwerdu mais celui-ci est le dernier de Belgique. C’est notre Moulin du Stwerdu » nous raconte, passionné, Laurent Van Asselt. « On a retrouvé des traces et des écrits de ce moulin tout au long de l’histoire. On sait que des familles y ont vécu, on sait que Louis XIV a placé ses canons dans la prairie du moulin, on sait que les locaux aimaient aller fumer la pipe dans le coin puisqu’on a retrouvé de nombreux fragments de pipe dans la prairie, mais aussi des sabots de vache, des pinces de chaussures,… C’est un lieu rempli d’histoire ! » D’où l’envie de le retaper petit à petit et, en attendant, d’en (re)faire un lieu de vie. « On a fait un pop-up bar l’été dernier et ça a bien fonctionné. L’idée, à terme, ce serait de le réhabiliter au maximum pour en faire un outil à vocation pédagogique. Parce que ce type de moulin est très différent des moulins à farine, déjà, mais aussi parce qu’on a un modèle de type germanique puisque la Principauté de Liège faisait partie du Saint Empire Romain Germanique. On est ici au croisement d’un projet qui est agricole, historique et pédagogique. » Mais tout cela a un coût, et il est plutôt important… « Rien que pour la roue, il faut compter +/- 100 000€. Mais un moulin sans roue, ce n’est pas un moulin. D’où le projet d’huilerie, pour pouvoir financer les travaux. L’huilerie est arrivée à un stade de développement qui nous permet maintenant de financer à la fois son développement et les travaux du moulin. On vient de refaire la passerelle, par exemple. Tout est à refaire mais bon, faire de l’huile pour faire de l’argent, ça ne m’intéresse pas. Il faut une logique, un but, et c’est de retaper le moulin tout en le laissant dans son jus ».

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Laurent Van Asselt nous montre les marques sur cette vieille roue attestant du passé de moulin à craie du Moulin du Stwerdu ©FM/Pleinchamp

« Travailler avec les agriculteurs, c’est le pied ! »

Si le Moulin du Stwerdu produit sa propre huile de noix ou de colza, le moulin travaille aussi à façon pour les agriculteurs et les particuliers. « On est fier d’être partenaire des agriculteurs, nous lance Laurent Van Asselt. C’est une super diversification pour eux comme pour nous. Nous, on travaille à façon et eux peuvent proposer de nouveaux produits qui se vendent comme des petits pains, généralement le jour même ! On reçoit alors un sms, le soir, qui nous dit ‘‘Tout est vendu, à dans 3 mois !’’ C’est chouette, ça marche bien. Et puis ça crée du lien avec les consommateurs, c’est important. Je les entends souvent dire ‘‘On vit dans nos fermes mais on ne connaît plus les gens du village…’’ Cette diversification permet de recréer du lien donc c’est vraiment intéressant, en plus d’être une diversification rentable. »

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Le moulin et sa prairie qui a vu passer Louis XIV ©FM/Pleinchamp

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L’intérieur du moulin est toujours authentique ©FM/Pleinchamp

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