L’agriculture de conservation des sols
la solution d’avenir ?
« Il était une fois dans nos sols », le film-documentaire de Greenotec dépeint le parcours de plusieurs agriculteurs qui ont fait le pas, récemment ou moins, de passer à l’agriculture de conservation des sols. Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Quels sont les avantages de ce type d’agriculture, mais aussi ses limites ? Une chose est sûre, en agriculture, « l’erreur à ne pas faire, c’est faire du systématique ».
Anne-Laure Michiels

D’abord, l’agriculture de conservation des sols (ACS), c’est quoi ? Selon l’ASBL Greenotec, elle repose sur 3 piliers : la réduction du travail du sol, la couverture maximum des sols et la rotation des cultures. « On a tendance à rajouter un 4e pilier : la réduction de l’utilisation des produits chimiques » termine un intervenant de l’ASBL. L’agriculture de conservation des sols vise notamment à préserver la biodiversité mais aussi la qualité de l’eau en rendant aux sols leur pouvoir filtrant, tout en réduisant l’utilisation des énergies fossiles. Pour Greenotec, il est également important que l’agriculteur qui la pratique s’y retrouve financièrement et qu’il puisse donc aussi obtenir des rendements de culture performants. Par ces différentes pratiques, l’ACS vise, entre autres, à rendre le sol auto-fertile, grâce également à la couverture du sol et à la vie des micro-organismes qui s’y trouvent. En pratique, ce sont les grands principes de l’ACS qui remplacent petit à petit le travail du sol effectué par l’agriculteur. Ces grands principes constituent un cercle vertueux dans lequel chaque élément est un rouage essentiel du mécanisme.
Les couverts végétaux
Implanter des couverts végétaux durant la période d’interculture signifiera que les plantes effectueront la photosynthèse, convertissant le CO2 de l’atmosphère et l’eau en sucres qui nourriront à leur tour les micro-organismes du sol. Les vers de terre par exemple, emmèneront la matière organique avec eux dans leur galeries. « Ils font le travail de la charrue mais ils le font encore mieux » insiste un agriculteur témoignant dans le film-documentaire. Le principal objectif des couverts sera de rendre le sol auto-fertile pour les cultures suivantes. Les couverts en ce les plus efficaces seront des couverts présentant le plus grand mélange d’espèces possible et ceux dans lequel l’on retrouvera des légumineuses. « Les légumineuses fixent l’azote atmosphérique de façon naturelle. Leurs nodules sont des usines biologiques de fabrication d’azote. Intensifier la culture des légumineuses durant la période d’interculture, en les associant avec des espèces non-légumineuses pourrait à terme remplacer les engrais azotés de synthèse » affirme un autre intervenant.
Travail minimal du sol
Autre grand principe de l’ACS, le travail minimal du sol comprend la suppression de la charrue et outres outils animés tels que les herses rotatives, qui vont avoir tendance à surminéraliser la matière organique et rendre le sol plus érosif. En ACS, seront privilégiés les outils à dents et à disques qui mélangeront moins le sol tout en permettant de le décompacter. « Labourer toujours à la même profondeur crée un lissage, une semelle de labour, qui empêche le passage de l’air et des racines des plantes. Ca aura un impact négatif sur le rendement » détaille un des protagonistes du film-documentaire.
Rotation des cultures
Enfin, le dernier pilier de l’ACS, allonger au maximum les rotations entre les cultures, permettrait selon le film-documentaire de se défaire progressivement des pesticides. En effet, les cycles des maladies du sol et des insectes ravageurs seront cassés par le laps de temps important entre deux implantations d’une même culture. De même, la gestion des adventices s’en verrait facilitée ainsi que celle des maladies des plantes. La combinaison de la pratique des trois grands premiers piliers de l’agriculture de conservation des sols nous emmène au quatrième pilier évoqué au début : la réduction de l’utilisation des produits chimiques.
Agriculteur, allié du climat
Si le changement climatique n’est plus à démontrer, les conditions météorologiques des dernières semaines en étant la parfaite illustration, les agriculteurs sont les premiers à le constater. Un enjeu majeur de ce changement réside dans la réduction d’émission de gaz carboniques. L’agriculture de conservation des sols permettrait ainsi de réduire drastiquement les émissions de ces gaz grâce notamment aux couverts végétaux fixateurs d’azote, à la réduction du travail du sol qui réduit sa minéralisation et la libération de carbone du sol. Si l’on en croit les chiffres mentionnés dans le film-documentaire, l’ACS emprisonnerait 3T de carbone dans le sol en plus par hectare que la moyenne. De même, en réduisant le travail du sol, les postes d’émission dus à la combustion d’énergie fossile pour les engins agricoles se voient réduits aussi. « En semant mon maïs en semis direct, je consomme 4,5 litres de gasoil à l’hectare alors qu’en temps normal, il en faudrait 40-50 litres » témoigne un des agriculteurs du documentaire.
Limites de l’ACS
L’agriculture de conservation des sols telle que présentée dans le film-documentaire peut presque sembler être une solution miracle aux maux du monde, agricole ou non. Si bien que l’on pourrait pratiquement être tenté de rentrer chez soi et placer illico-presto une petite annonce dans le Pleinchamp pour vendre sa charrue après l’avoir regardé. Cette vision est bien-entendu caricaturée mais elle permet néanmoins d’attirer l’attention sur quelques limites relevées durant le visionnage du documentaire. Dans celui-ci, il est essentiellement question de cultures. L’on peut dès lors s’interroger sur la place de l’élevage dans l’agriculture de conservation des sols. De la même façon, l’on peut s’interroger sur l’applicabilité et l’adaptabilité du modèle à certaines cultures, comme la pomme de terre. Enfin, on pourrait aussi se questionner sur l’accessibilité du modèle à tous les agriculteurs : le matériel nécessaire pour pratiquer l’ACS, comme les semoirs de semis directs, ayant un certain coût. De la même façon, la plantation de haies et d’arbres, ainsi que la mise en place de nichoirs pour les rapaces locaux représente un coût que certains ne peuvent peut-être pas se permettre. S’il est une phrase qui pourrait conclure cette réflexion, elle est la suivante : « Imposer un modèle serait une erreur. Laissons les agriculteurs décider et choisir les meilleures orientations. »
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