Le bio en Wallonie

entre recul et espoir

La tendance à la baisse de la consommation de produits bio en Wallonie, amorcée depuis 2020, persiste, l’année 2023 n’ayant malheureusement pas apporté de signe de reprise. Pour la première fois, le nombre de fermes bio a reculé, signalant un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande. Malgré des perspectives légèrement meilleures pour 2024, la situation reste préoccupante, comme souligné lors de la conférence de presse de la 19ème Semaine bio.

Laura Lahon

Semaine-bio

La consommation de produits bio continue de décroître depuis 2020. Malheureusement, l’année 2023 n’a montré aucun signe de reprise, subissant encore les contrecoups de l’inflation. Si l’année 2022 avait suscité des interrogations avec la progression la plus faible du nombre de fermes bio et des surfaces engagées en bio depuis 2003, l’année 2023 marque un tournant avec un recul de 0,5% du nombre de fermes bio et de 1,2% de la SAU bio. En 2023, pour la première fois, le nombre de fermes quittant le bio (retour au conventionnel ou cessation d’activité) a dépassé celui des nouvelles adhésions. Les tendances du premier semestre 2024 montrent une amélioration de la situation en termes de consommation bio, notamment suite aux manifestations du monde agricole. Retour sur la conférence de presse qui a lancé la 19ème édition de la Semaine bio et introduit les Chiffres du Bio 2023, réalisés par Biowallonie et l’APAQ-W.

Recul de la production bio en Wallonie en 2023

Au 31 décembre 2023, la Wallonie comptait 2.014 fermes sous contrôle bio, soit une perte de 10 exploitations par rapport à 2022. Cette évolution résulte de l’entrée de 40 nouvelles fermes dans le cadre bio et de la sortie de 50 autres. Bien que l’analyse détaillée de ces sorties ne soit pas encore disponible, il semble que le retour à l’agriculture conventionnelle concerne principalement les fermes mixtes. Malgré le maintien du cap symbolique des 2.000 fermes bio, cette réduction témoigne d’un malaise croissant où, pour la première fois, plus de fermes ont quitté le bio qu’il n’y a eu de nouvelles adhésions. En termes de surface agricole utile (SAU), 1.151 hectares ont été déconvertis en 2023, représentant une diminution de -1,2% par rapport à l’année précédente. La SAU sous contrôle biologique s’élève désormais à 92.375 hectares, soit 12,5% de la SAU totale en Wallonie.

Productions végétales: un recul des prairies et des légumes au profit des grandes cultures

Les prairies

Les surfaces de prairies ont diminué de -2,3% en 2023. C’est principalement les surfaces de prairies temporaires qui ont connu une baisse de -15% (-1.276 ha) par rapport à 2022, tandis que les surfaces de prairies permanentes sont restées stables. Cette diminution s’explique par une réduction du nombre d’herbivores bio (bovins, ovins et caprins) au cours de la même année.

Les légumes

Pour la première fois depuis 2011, les cultures de légumes ont enregistré une baisse de 248 hectares en 2023, soit une diminution de -9%. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Le marché défavorable, marqué par une baisse de la demande et des prix stagnants, combiné à l’augmentation des coûts de production, notamment le prix de l’énergie pour le stockage et de la main-d’œuvre pour le désherbage, a impacté la rentabilité des légumes et a incité les producteurs à se tourner vers des cultures moins périssables, comme les céréales.

Les grandes cultures

Après une année 2022 durant laquelle les grandes cultures bio étaient restées stables, elles ont progressé très faiblement en 2023 avec 139 nouveaux hectares (+0,7%). En 2023, 48% des grandes cultures bio étaient des céréales pures et cultures assimilées (-685 ha par rapport à 2022), 30% des cultures en mélange (+197 ha par rapport à 2022), et 11% des cultures fourragères (+420 ha par rapport à 2022). Les 11% restants comprenaient des cultures de pommes de terre, d’oléagineux, de protéagineux et d’autres cultures industrielles. Les cultures d’oléagineux ont connu la plus forte progression en 2023 (colza, tournesol, moutarde). Au niveau des céréales pures, les superficies d’épeautre ont diminué de -42% par rapport à 2022 en raison de l’absence de marché pour cette céréale, tandis que celles de froment ont progressé de +24%.

Les fruits

Depuis 2015, la culture fruitière bio progresse chaque année en Wallonie, soutenue par une forte demande et une offre insuffisante. En 2023, la surface des cultures fruitières bio a augmenté de +15% (+120 ha). La majorité des cultures (52%) se compose d’arboriculture fruitière. La production de vignes bio a quadruplé en cinq ans, passant de 60 ha en 2018 à 233 ha en 2023. La culture de noix et noisettes a également augmenté de +18%, atteignant 169 ha. La production de fraises et de petits fruits a progressé de +9%, atteignant 34 ha.

Productions animales : un cheptel bio en diminution

Le nombre total d’animaux élevés en bio a diminué de -9% par rapport à 2022. Depuis 2003, c’est la première fois que le nombre d’animaux élevés en bio baisse en Wallonie. La plupart des filières ont baissé sauf les filières bovines viandeuses et porcines qui ont augmentées et la filière caprine qui est restée stable.

Filière bovine

Après une légère baisse en 2021 et une stabilisation en 2022, le nombre total de bovins bio en Wallonie a de nouveau diminué en 2023, avec une baisse de -1%. Le cheptel de vaches allaitantes a progressé de +5%, tandis que le cheptel laitier a diminué de -5%, représentant une perte de 1.055 vaches laitières bio, soit environ 17 fermes.

Cette diminution est en partie due à la fluctuation des prix entre le lait conventionnel et bio. En 2022, une légère baisse du prix du lait bio conjuguée à une augmentation du prix du lait conventionnel a nivelé les deux, réduisant l’attrait du lait bio pour les producteurs, dont certains étaient en fin d’engagement. Bien que l’écart de prix se soit à nouveau creusé en 2023, il n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise.

Filière porcine

Alors que le secteur porcin bio wallon avait progressé en 2020-2021 et légèrement diminué en 2022, celui-ci a de nouveau progressé en 2023 de +22%. En revanche, le nombre de truies reproductrices a diminué fortement de -27% (-310 truies par rapport à 2022), tandis que le nombre de porcs à l’engraissement a progressé de +26%.

Filière avicole

Après des années de forte croissance et une stabilité en 2022, le secteur avicole bio en Wallonie a connu une forte baisse en 2023. Le nombre de poulets vendus a chuté de -12%, soit 482.000 poulets en moins par rapport à l’année précédente. Cela équivaut à environ 27 poulaillers bio (de 4.200 poulets chacun) en moins sur l’ensemble du territoire wallon.

La filière des poules pondeuses, qui avait connu un « boom » entre 2010 et 2020 et un ralentissement en 2021 et 2022, a également diminué pour la première fois depuis 2009. En 2023, la Wallonie a perdu 14.227 poules pondeuses, soit une baisse de -4% correspondant à environ 5 poulaillers de 3.000 poules chacun. Actuellement, la région compte plus de 369.000 poules pondeuses bio.

Cette diminution de la filière avicole peut être attribuée à l’augmentation du coût de l’alimentation et à l’émergence de filières de qualité différenciée offrant des prix attractifs aux éleveurs.

Et au niveau de la consommation ?

Après plusieurs années de croissance ininterrompue, la consommation des produits alimentaires bio a diminué pour la première fois en 2022 en Wallonie. Plusieurs raisons expliquent ce déclin, notamment les crises successives et leurs impacts sur les prix de l’énergie et des matières premières, ainsi que la diminution du pouvoir d’achat des consommateurs. Les chiffres de 2023 étaient donc particulièrement attendus afin de savoir si cette baisse s’est poursuivie ou si une reprise s’est amorcée.

Consommer bio n’est pas une priorité pour le consommateur wallon

En 2023, la part du marché bio a repris sa croissance, atteignant 5,1% en Wallonie et 4% en Belgique. En Wallonie, ce chiffre n’a pas encore retrouvé le niveau d’avant la période Covid, contrairement à la Belgique où il a augmenté de 0,3 point, atteignant ainsi son plus haut taux depuis 2016. Cette différence s’explique par une augmentation plus marquée des dépenses en Flandre au détriment de la Wallonie.

Les dépenses totales en produits alimentaires bio ont augmenté par rapport à 2022, avec une hausse plus significative en Belgique (+20,7%) qu’en Wallonie (+9,9%), atteignant respectivement 1,15 milliard d’euros et 457 millions d’euros. Il s’agit des plus hautes dépenses annuelles enregistrées depuis 2016. Cependant, cette augmentation est principalement due à l’inflation. En effet, les volumes achetés continuent de diminuer depuis 2020, avec un total de 64.657,3 tonnes de produits alimentaires bio achetés en 2023, soit une baisse de -5,2% par rapport à 2022, bien que cette baisse soit moins prononcée que celle de l’année précédente (-10,6%).

Par catégorie alimentaire, les viandes restent le premier produit bio pour lequel les Wallons dépensent le plus, avec une moyenne de 21,4 € par habitant, en hausse de 50,3% par rapport à 2022. Les dépenses pour les légumes et les fruits restent stables, à 13,4 € et 11,9 € respectivement. En revanche, les dépenses pour les farines, le riz/pâtes, et le lait ont chuté de 22,91%, 8,58%, et 6,17% respectivement.

Absence de reprise de la consommation bio

La consommation bio en Wallonie montre une contradiction: des dépenses en hausse mais des volumes en baisse. Il n’y a donc pas de véritable reprise de la consommation bio en 2023. L’inflation et les achats transfrontaliers pourraient expliquer ce phénomène. Pourtant, le taux de pénétration du marché bio, représentant le pourcentage de ménages ayant acheté au moins un produit bio dans l’année, a atteint 98,4 % en 2023. Selon Philippe Mattart, le directeur de l’APAQ-W, le marché bio n’est pas délaissé par les consommateurs wallons ; la part de marché progresse et le secteur conserve un potentiel de croissance.

Perspectives d’avenir

Selon le Ministre régional de l’agriculture, Willy Borsus, le secteur bio a été durement touché par les multiples crises survenues. La hausse des coûts de production, conjuguée à la diminution du pouvoir d’achat des ménages, a eu un impact significatif sur cette filière. «Il est crucial de continuer à promouvoir le bio auprès des consommateurs», ajoute-t-il. L’avenir de ce secteur repose essentiellement sur l’évolution de la demande. «Il est tout aussi crucial que le bio occupe la place qui lui revient dans notre consommation et notre société», souligne-t-il. Espérons que cela sera une priorité pour le prochain gouvernement.

 

En savoir plus?

Téléchargez le rapport complet sur: www.biowallonie.com/chiffres-du-bio

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