Le CRA-W face à des enjeux de recherche d’une ampleur inédite
De l’importance de la recherche et de l’innovation
Les Ministres wallons l’ont seriné à l’envie à Libramont : les innovations techniques et agronomiques sont les outils qui permettront à l’agriculture de faire face à ses défis futurs. C’est dire le rôle central d’une institution telle que le Centre wallon de recherche agronomique (CRA-W). Pour son sympathique directeur, Georges Sinnaeve, les enjeux de recherche qui se profilent n’ont jamais été aussi importants.
Propos recueillis par Ronald Pirlot
Les chercheurs du CRA-W sont des passionnés qui n’hésitent pas à partager leur enthousiasme avec le grand public (ici à Libramont)
Pleinchamp : A l’instar de son prédécesseur, le nouvel exécutif wallon a répété à souhait le rôle central de la recherche pour permettre à l’agriculture de rencontrer les défis qui sont les siens, notamment environnementaux. Sentez-vous les attentes fondées sur une institution telle que la vôtre?
Georges Sinnaeve: «Evidemment. Et d’autant plus que, pour moi, nous sommes face à des enjeux de recherche comme il n’y en a jamais eus. Il suffit de voir, par exemple, l’accumulation des pluies qu’on a eues cette année pour se rendre compte que l’enjeu environnemental va être terrible. Les choses que l’on pensait acquises ne le sont pas nécessairement. On va peut-être devoir faire appel à d’autres types de plantes, remettre en question des pratiques culturales… Les certitudes que l’on avait ont été fortement ébranlées».
PC : Un autre enjeu ?
GS : «Assurément le renforcement des filières locales. Depuis des années, je prône pour une relocalisation des filières, mais on aurait dit que les planètes n’étaient pas alignées. Or, les crises nous ont rappelé la vulnérabilité des filières d’approvisionnement et de l’accès à certains produits alimentaires. Aujourd’hui, on voit que les projets de recherches se développent par filière.
Reste à garder en mémoire qu’en agriculture, il faut composer avec une donne bien connue des gens du métier, mais que les personnes lambdas ignorent très souvent : la temporalité!».
PC : C’est-à-dire…
GS : «Diffuser des résultats de recherche à l’autre bout du monde est instantané, le temps d’un simple clic de souris. Mais pour obtenir des résultats, une année de récolte prend toujours… une année. Et quand on veut recouper des résultats, il faut plusieurs années ! On ne change donc pas de cap sur un claquement de doigts, il faut donner le temps au temps. D’où l’importance de la temporalité en agriculture. Si vous y ajoutez de la sélection variétale, vous êtes sur une échelle de 10-12 ans. Et ne parlons pas de la temporalité des forestiers qui s’étale sur 50 ou 100 ans!»
PC : Qui dit attentes et enjeux énormes, dit moyens appropriés!
GS : «Jusqu’à présent, sur les moyens budgétaires en termes de personnel et d’équipement, nous avons souvent été suivis. Le vœu que je formule est que cela perdure de la sorte. Il convient de souligner le sérieux coup de boost donné au CRA-W avec le Plan de relance de la Wallonie (PRW), qui nous a permis de passer de 390 à 440 personnes. Ce PRW, on l’a constaté, a été passé à la loupe par les négociateurs du nouvel exécutif. C’est normal. J’espère juste que ce n’est pas que les aspects budgétaires qui vont régir l’avenir, mais plutôt l’examen des projets sur le fond. A nous, et je parle au nom du CRA-W, de plaider pour la poursuite d’un projet qui donne des résultats mais n’a pas encore livré tous ses fruits, de le réaiguiller s’il le faut, mais aussi d’avoir le courage de l’arrêter si on constate qu’il a abouti ou qu’il ne livre pas les résultats escomptés. Je peux adhérer à ce genre de logique, pas à une logique purement budgétaire».
PC : En matière de recherche agronomique justement, quelles sont les grandes orientations?
GS : «Les grandes tendances ne sont pas nécessairement novatrices, il s’agit plutôt de redécouvertes, comme la préservation de la biodiversité variétale. Peut-être nous faut-il reconsidérer des variétés que l’on a éliminées il y a un certain temps parce qu’on les a regardées à travers un certain prisme qui a aujourd’hui radicalement changé. Avoir un capital de diversité variétale n’est pas une innovation, mais cela permet peut-être de rebondir, voire de générer des parents et de continuer à faire des croisements avec une autre optique. Il faut se rendre compte qu’en sélection variétale, en tous les cas en céréales, il n’y a plus que le CRA-W qui en fait en Belgique. Toutes les autres sociétés ont arrêté. Et je crois que c’est ce qui constitue la différence entre la recherche publique et le privé: nous pouvons avoir d’autres préoccupations que mercantiles. Avec cette difficulté toutefois de garder, dans le public, nos talents. S’ils restent, c’est par passion et parce qu’ils croient en un idéal. A moi de les stabiliser pour les garder».
Toute l’information agricole directement dans votre boîte aux lettres ?