Le débat wallon s’installe

dans l’arrondissement Huy-Waremme

Dans la catégorie des débats politiques pré-électoraux, nous appelons maintenant la section régionale FWA de Waremme-Hannut, pilotée avec brio par Henry de Marneffe et Céleste Wera, de GroupSmart, qui nous proposait mercredi dernier un débat sur les thématiques agricoles régionales. Trois candidats à la région et un candidat aux européennes se sont donc vu proposer des thématiques d’actualité agricole lors d’une soirée riche en échanges avec les agriculteurs. Revenu agricole, accès à la terre, application des règlementations européennes sur le territoire wallon ou encore énergies renouvelables, les candidats ont été cuisinés durant deux heures sur leurs ambitions pour le Gouvernement wallon.

Olivia Leruth

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Les candidats présents au débat

La soirée prenait place à Braives, dans le restaurant « La Goutte », qui sert régulièrement de point de rencontre pour les soirées à thématiques agricoles de la région. Sous les projecteurs, quatre candidats : Caroline Cassart, Bourgmestre d’Ouffet, Députée wallonne sortante et tête de liste MR à la Région, Guillaume Debouge, 3ième candidat sur la liste régionale d’Ecolo et agriculteur en Bio à Clavier, Marie Jacqmin, toute jeune tête de liste des Engagés à la Région pour l’arrondissement Huy-Waremme, et Samuel Moiny, candidat socialiste à l’Europe, mais aussi mandataire communal d’Amay.

Le revenu des agriculteurs en question

Première question et non des moindres : comment améliorer le revenu des agriculteurs ? Si plusieurs améliorations – ou « victoires », c’est selon – ont déjà été engrangées suite aux manifestations, il reste du chemin avant d’offrir à chacun un niveau de vie décent, notamment comparé aux autres professions.

Du côté Ecolo, Guillaume Debouge a souhaité mettre en avant le modèle coopératif auquel il participe, très proche des acteurs et qui permet de négocier des prix et d’en dégager un revenu stable. Si ce modèle peut sembler ne concerner actuellement qu’une partie des agriculteurs, c’est pourtant le modèle qu’il souhaite voir s’étendre afin de sauvegarder l’autonomie alimentaire.

Caroline Cassart, de son côté, en profite pour mettre en avant le bilan du Ministre Clarinval et de son arrêté ministériel concernant les pratiques déloyales, dans lequel un mécanisme est prévu pour déclencher automatiquement des négociations de prix en cas de dépassement (vers le bas) d’un seuil de prix fixé par l’Observatoire des prix. Un système insuffisant pour Marie Jacqmin, qui pointe la nécessité de pouvoir geler les prix en cas de négociations qui n’aboutirait pas, une manière d’avoir « un bâton » pour la grande distribution en cas de non-respect des agriculteurs.

Pour le PS, Samuel Moiny souligne quant à lui l’importance d’avoir un « point de départ » à la fixation du prix pour les agriculteurs, un peu à la manière de la loi Egalim en France. Une loi qui ne convainc pas le MR, mais trouve des enthousiastes chez Marie Jacqmin et dans une proposition de loi d’Ecolo, bien que Guillaume Debouge ne l’ait pas relevée lors du débat.

L’accès à la terre : pour qui et à quelles conditions ?

Dans les pistes de solutions développées par nos candidats, on notera chez Ecolo une envie de développer des initiatives ressemblant à la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) en France, ou de pouvoir proposer une aide aux jeunes agriculteurs sous forme de location en vue d’achat de terres. Un avis sur lequel rebondit Samuel Moiny, candidat PS, en faveur aussi de la mise en place de « mécanismes de redistribution », afin d’éviter des « phénomènes monopolistiques ». Il propose ainsi de créer une banque foncière qui déterminerait un prix médian et jouerait un rôle d’intermédiaire dans le cadre d’échanges commerciaux relatifs aux terres agricoles.

Pour les Engagés, Marie Jacqmin se félicite de la mise en place par le Ministre Borsus du droit de préférence pour la Région wallonne lors de vente par les communes de terres agricoles. « Mais cela devrait aussi pouvoir s’appliquer aux terres privées » tempère-t-elle, que ce soit pour les revendre ou les louer, en tenant compte du maintien de la liberté culturale. Avec quels moyens financiers ? C’est la question que lui pose Caroline Cassart, enchaînant en expliquant que la terre est avant tout un outil de travail et n’a donc pas forcément vocation à être toujours achetée. Pour elle, le bail agricole est « un bel outil qu’il faut défendre » et rappelle que certaines nouvelles dispositions en faveur des propriétaires qui recourent au bail à ferme, gagneraient à être mieux connues. Elle appelle cependant à la mise en place d’autres incitants, tels que des crédits d’impôts pour les propriétaires qui remettraient leur terre sous bail de longue durée.

En fin de panel, Henry de Marneffe prend la parole pour faire deux propositions aux futurs membres éventuels du Parlement : mettre en place une réduction des droits d’enregistrement en faveur des jeunes agriculteurs, mais aussi permettre aux familles non agricoles qui lèguent leurs terres à leurs enfants, tout en les mettant en bail de très long terme, de pouvoir bénéficier du taux 0.

Quel équilibre entre agriculture et Environnement ?

C’est Marie Jacqmin qui réagit la première à cette thématique : « Chez les engagés, on veut réduire l’usage des phytos, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas sans alternative et encore moins si le rendement n’est pas garanti. » Si elle tient à ce que la Région wallonne ait des objectifs environnementaux élevés, ils ne doivent cependant jamais être plus élevés que les objectifs européens. En résumé : du changement, oui, mais avec les agriculteurs et non contre eux.

Le modèle défendu dans le programme du PS, c’est la « planification sociale éco-durable ». Traduction bien nécessaire : « On donne (aux agriculteurs) à la fois des objectifs et de la capacité d’investissement pour qu’ils ne soient plus individuellement responsables de leur transition, mais que l’on ait plutôt une prise en charge collective qui donne les moyens d’évoluer étape par étape sur du long terme. »

Guillaume Debouge, intrépide, choisit de jeter un pavé dans la mare en disant que « la terre est un bien commun, pas un bien qui appartient à l’agriculteur ». Avant de reconnaître que si le parti Ecolo est entièrement d’accord avec le fond de la PAC, cela peut toutefois coincer sur la forme. Un avis qui occasionnera pas mal de réactions et de brouhaha dans le public.

Pour le MR, « il faut aussi voir d’où l’on vient » et saluer tous les efforts déjà consentis par le secteur au niveau environnemental. « Jamais je ne défendrai une agriculture 0 phyto pour 2040 comme le font d’autres partis autour de la table » assène-t-elle en taclant au passage les Engagés, qui l’avaient inscrit tel quel dans la première version de leur manifeste, modifié depuis à la suite d’une autre soirée débat à la FWA. S’ensuivra un débat avec le public sur l’intérêt d’avoir un ministre de l’Agriculture différent du ministre de l’Environnement, auquel la députée wallonne sortante répondra en pointant l’avantage de voir l’Agriculture désormais associée à la compétence Economie, et la difficulté de pouvoir conjuguer ces trois compétences chez un seul ministre.

Energies renouvelables et agriculture

Vient le moment pour les candidats de se prononcer concernant la position qu’ils prendront au Gouvernement wallon concernant les projets d’agrivoltaïsme. Est-ce que ce sera oui ? Ou  non ? Ou encore « oui, mais…. » ?

« La réponse est claire côté Ecolo, c’est non !» répond d’emblée le candidat vert, « l’agriculture est là pour nourrir les gens et pas pour autre chose ». Du côté PS, la réponse est similaire : « l’agrivoltaisme ne devrait pas pouvoir se faire au détriment des terres dédiées à la production alimentaire », tout en gardant la réflexion ouverte à la coexistence entre élevage et agrivoltaisme. Idem chez Marie Jacqmin, qui ajoute l’intérêt des surfaces non-productives telles que les toits, parkings,…, et pour le MR, qui y adjoint encore le risque d’accroître la pression foncière. Enfin un point où l’accord semble unanime, et dont on se réjouit d’en voir les effets lors de la prochaine législature.

La biométhanisation et ses subventions publiques semblent provoquer plus d’émotions dans le public, inquiet face aux coûts prohibitifs d’installations non subventionnées pour les agriculteurs et face à l’impact que cela peut à nouveau avoir sur le prix des terres. Alors, la biométhanisation en Wallonie, c’est oui ou c’est non ? Pour Guillaume Debouge, c’est oui, mais uniquement si on utilise des intrants non dédiés à l’alimentation. Caroline Cassart préfère favoriser le mix énergétique dans lequel la biométhanisation est « une » des possibilités, mais avec une préférence claire pour les panneaux photovoltaïque et le nucléaire.

Un mix énergétique plébiscité également par Samuel Moiny, mettant en avant l’un des grands défis à venir selon lui : l’électrification. Pour les Engagés, Marie Jacqmin reste sur une position similaire où la biométhanisation ne doit pas être sur-encouragée. « A Geer, ça fonctionne bien car il y a des déchets à valoriser, mais cela ne doit jamais être au détriment de la fonction nourricière ou de l’alimentation du bétail ».

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