Le service de remplacement
Faites place à l’agence « tous risques » !
L’agriculture a beau être le plus beau métier du monde (et quoi qu’en disent certains, probablement le plus vieux), il n’empêche que celles et ceux qui la pratiquent sont des êtres humains, avec leurs joies, leurs tristesses, leurs soucis ou leurs bonnes nouvelles. Une vie faite de hauts et de bas mais toujours les bottes aux pieds et les mains dans la terre. Alors, quand survient un événement, qu’il soit triste ou joyeux, ou qu’un coup du sort nous tombe dessus, même un agriculteur doit pouvoir se reposer ou lâcher du lest en toute confiance. C’est pour cela qu’existent depuis 1977 les services de replacements agricoles, une véritable assurance « tous risques » au service des exploitations wallonnes, de leurs animaux et de leurs champs. Focus sur un petit OVNI qui permet à bien des agriculteurs de garder les pieds sur terre.
Florian Mélon

L’histoire est classique : même malade ou fiévreux, et alors que monsieur ou madame Tout-le-Monde dépose un certificat maladie, l’agriculteur ou l’agricultrice continue de se lever et d’aller travailler pour s’occuper de ses bêtes ou gérer la récolte. C’est que l’agriculture est un métier où l’on travaille même dans le dur, même quand tous les signaux sont au rouge et que le corps prendrait bien une pause… Car la nature ne prend pas de pause, car le vivant ne prend pas de break et qu’une exploitation doit tourner 24h/24 et 7j/7. Cette histoire, tout le monde la connaît dans nos campagnes. Elle est aussi classique que la fable de la Cigale et de la Fourmi ou qu’un conte des frères Grimm. Pourtant, il arrive que même un agriculteur doive temporairement faire un pas de côté, que ce soit volontairement ou non. Car c’est difficile de nourrir ses bêtes quand on ne tient pas debout ou de conduire son tracteur quand on ne tient pas debout. Ou simplement parce qu’il y a un mariage dans la famille, une naissance, un événement immanquable, voire un décès. Ou qu’on a envie de prendre des vacances bien méritées. Que faire dans ces cas-là ? Ou plutôt, « Who you gonna call ?! », pour rester dans les métaphores télévisuelles ? C’est là qu’arrive l’agence « tous risques » du monde agricole wallon : la Fédération des services de remplacement agricoles, ses 12 antennes couvrant toute la Wallonie et sa petite centaine d’agents prêts à relever le défi de votre exploitation.

« Ils s’investissent comme si c’était leur bébé, leur projet »
« La Fédération existe depuis 1977, nous explique Madeline Kremers, de la Fédération des services de remplacement agricoles. Elle est vraiment là pour venir en aide aux agriculteurs wallons qui ont besoin de se faire remplacer ponctuellement, que ce soit pour des questions de santé ou pour des événements plus heureux comme des vacances, des rassemblements familiaux, des formations… » Forte de ses antennes à l’ancrage bien local et de ses ouvriers agricoles, la Fédération est capable de couvrir tous les types de demande et tous les types d’exploitation. « Nos agents de remplacement sont des ouvriers agricoles compétents. Il faut savoir rebondir, gérer les problèmes, comprendre les exploitations… Et savoir passer d’un cas à l’autre ! Ce n’est pas toujours facile car on leur demande de s’investir comme si c’était leur bébé, leur projet, de faire de longues heures, de travailler le week-end… Mais c’est super gratifiant, nous explique Sandrine Tilmant, de l’antenne namuroise du service de remplacement. Ce sont des expériences très enrichissantes, tant sur le plan humain, puisqu’on crée des relations d’entraide et de confiance avec les agriculteurs, que du point de vue professionnel, puisque c’est formateur, on apprend à travailler dans beaucoup d’exploitations ou de spécialisations différentes. »
Plus qu’une bouée de sauvetage, le service de remplacement fonctionne comme une vraie assurance « tous risques » pour les exploitations de la Région. C’est d’ailleurs comme cela qu’elle fonctionne : « Il ne faut pas attendre d’avoir un problème pour faire appel à nous. Il y a un stage d’attente de 4 mois avant de pouvoir bénéficier de nos services, sauf pour des cas exceptionnels. On fonctionne comme une assurance, pour un coût de 200€ par an – coût qui couvre deux personnes sur une exploitation pour un total maximum de 160h/an – il faut donc prévoir à l’avance si, par exemple, on sait qu’on va partir en vacances… Ou être prévoyant puisqu’on ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus », précise Madeline Kremers.
92 000 heures sociales en 2023
Avec 3865 agriculteurs-membres en 2023, on peut dire que le service de remplacement ne manque pas de travail. « On doit parfois prioriser les demandes, nous explique Sandrine Tilmant, ce qui est toujours délicat. Mais la demande dépasse l’offre. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de formation spécifique pour devenir ouvrier agricole. On discute beaucoup avec le Forem sur ce point-là car ça pourrait apporter de la main-d’œuvre et une grosse visibilité dans un secteur qui ne manque pas de travail. Mais actuellement, les gens ne savent pas qu’ils peuvent devenir ouvriers agricoles et donc n’y pensent pas. Alors, parfois, on les forme nous-même. »
Ces 3865 membres représentent un total de 92 000 heures sociales en 2023, réparties sur les 90 agents de la Fédération. « On n’a pas de statistiques pour l’ensemble du travail effectué mais en ce qui concerne les heures sociales, oui, on est à 92 000 heures en 2023 ». Les heures dites sociales, ce sont les prestations effectuées par la Fédération en cas de souci de santé, d’événements familiaux ou de formation. Il existe un autre cas de figure, avec une tarification plus élevée, c’est lorsque le membre est retraité ou s’il a dépassé ses 160h annuelles. « 92 000h… Et on pourrait faire plus mais on manque encore de mains-d’œuvre », nous précise Sandrine Tilmant !

L’importance de l’ancrage local
Si la Fédération compte 12 antennes réparties sur tout le territoire wallon et capable de répondre à n’importe quelle demande, cet ancrage local apporte son lot de spécificité, avec des antennes davantage tournées vers l’élevage dans les régions laitières, vers la culture dans les provinces de grandes cultures, etc. « Chaque service a, au final, sa petite particularité du fait de sa géographie. Parfois on fait davantage de traite, parfois de bétail, parfois de culture, ça dépend des fermiers de la région. » Cette petite spécialisation permet aussi aux agriculteurs locaux de pouvoir compter sur des têtes connues et compétentes, quelque chose d’ « essentiel puisque les agriculteurs sont des gens qui travaillent à la confiance ! » Raison pour laquelle, le plus souvent, les ouvriers viennent travailler quelques jours quand la charge de travail est importante dans l’exploitation, pour garder le lien avec le fermier et être prêt au cas où. Toujours être prêt… Et si c’était ça, justement, la recette d’un plan qui se déroule sans accroc ?
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