Les boues de stations d’épuration urbaine sont-elles contaminées par les PFAS?
la crainte est grande dans le monde agricole de vivre une nouvelle crise des PFAS
Après le scandale des PFAS dans l’eau de distribution, la crainte est grande dans le monde agricole de vivre une nouvelle crise après la vision de l’émission ertébéenne «Investigation» consacrée à la présence de PFAS dans les boues valorisées en agriculture. Le reportage est en effet interpellant et soulève de nombreuses questions. La FWA fait le point sur la situation et appelle à une approche basée sur une gestion des risques et un dégagement de toute responsabilité de l’agriculteur.
Bernard Decock,
Coordinateur Pôle environnement
Conseil, Analyse et Politique (CAP)
©reewungjunerr/AS
Le secteur agricole participe à l’économie circulaire voulue par nos autorités publiques en valorisant 70% des boues de stations d’épuration urbaine. Cette valorisation se fait dans un cadre réglementaire connu, après délivrance d’un certificat préalable d’autorisation, de contrôles et d’analyses. L’agriculteur, qui valorise des boues et rend service à la société tout en fertilisant ses sols, n’avait jusqu’à présent aucune raison de s’inquiéter. Ce n’est plus le cas après avoir vu l’émission de la RTBF consacrée à ce sujet. Est-ce que la Région joue à l’apprenti sorcier en permettant cette valorisation? La Wallonie est-elle en train de reproduire la catastrophe vécue dans le Maine et mise à jour fin des années 80?
La FWA avait déjà interpellé à ce sujet
Il n’y a pas sur notre territoire de sites de production de PFAS, mais on sait que ces substances sont présentes un peu partout dans notre environnement à la suite de leur utilisation dans de nombreux secteurs d’activités et en usage régulier par tout un chacun.
Courant 2024, et suite à la crise dans l’eau de distribution, la FWA avait déjà interpellé la Ministre Céline Tellier sur l’éventuelle présence de PFAS dans les boues. Avec l’aide du SPW et de l’Issep (Institut Scientifique de service publique), la Société Publique de Gestion de l’Eau a fait analyser l’ensemble des boues valorisées en agriculture. Les résultats sont disponibles sur leur site. En absence de normes établies au niveau belge ou européen, il a été décidé d’analyser tous les PFAS repris dans la directive ‘eau potable’ et dans le projet de directive sur les normes environnementales. C’est donc un total de 27 PFAS qui ont fait l’objet de l’audit dans les boues. Certains n’ont pas été détectés, d’autres sont présents dans quasi tous les échantillons.
Nouvelles mesures temporaires
Le Ministre Yves Coppieters précise dans son communiqué que «la très grande majorité des boues valorisées vers la filière agricole présentent, pour les 27 PFAS analysés, des taux inférieurs aux rares valeurs limites définies par certains pays européens ou nord-américains».
Face à ces résultats, et en l’absence de cadre normatif spécifique pour les PFAS dans les boues au niveau européen, le Gouvernement wallon a adopté plusieurs mesures temporaires pour limiter les risques liés à la valorisation des boues en agriculture. Ces mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2025.
– La première concerne la limitation des doses d’épandage qui passe de 12 à 6 tonnes de matière sèche par hectare sur une période de 3 ans.
– Le Gouvernement fixe également deux valeurs cibles, qui constitueront un préalable à la valorisation agricole. Une valeur cible de 40 µg/kg de matière sèche (MS) est fixée pour six PFAS prioritaires (PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS, PFDA, PFHxA). Une valeur cible de 400 µg/kg MS est fixée pour la somme de 22 PFAS.
Surveillance renforcée
Les résultats du 1er audit réalisé sur toutes les boues entre avril et mai 2024, repris ci-dessous, permet d’avoir une évaluation de la situation de terrain par rapport à ces valeurs. Un seul site en valorisation agricole dépassait ces valeurs cibles. Des contre-analyses et des analyses de sol sont en cours.
Le Gouvernement prévoit également une surveillance renforcée des boues et un second audit complet des boues sera disponible avant la fin de l’année. Un suivi de la qualité des sols est également envisagé, pour tous les types d’usage et donc pas seulement les sols agricoles.
Zoom FWA
Pour la FWA il est nécessaire de lever rapidement toute inquiétude des agriculteurs concernés par un épandage de boues issues de stations d’épuration urbaine. En cas de problème de contamination des sols, l’agriculteur ne pourra être tenu pour responsable d’un usage réalisé dans le respect de la législation. A court terme, une approche basée sur la gestion des risques et la création d’un fond de contamination environnementale est incontournable.
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