Les voix locales de l’agriculture
Quand les agriculteurs font de la politique
Au terme d’une campagne communale souvent passionnée, les urnes ont livré leur verdict dimanche soir. Aux quatre coins de Wallonie, des agriculteurs et agricultrices ont investi les hémicycles communaux pour défendre leurs convictions, en ce bien évidemment compris celles liées à leur profession. Malgré un emploi du temps souvent fort chargé, elles et ils sont bourgmestres, échevins, conseillers de la majorité ou de l’opposition. Toutes et tous ont à cœur de défendre l’agriculture et la ruralité au sein du lieu de pouvoir le plus proche du citoyen : leur commune. Félicitations à eux… et bonne mandature à toutes et tous!
Propos recueillis par Ronald Pirlot

Marc Drouguet
(Bourgmestre de Herve)

Agriculteur de son état, Marc Drouguet rempile pour un nouveau mandat à la tête de la commune de Herve, nanti d’un très beau score. Preuve que ses administrés sont contents de la gestion communale.
«C’est super important que les agriculteurs soient représentés au sein du Conseil communal. Bourgmestre ou conseiller, l’important, c’est surtout d’y être et de ne pas accepter n’importe quoi! Si on ne s’occupe pas nous-mêmes d’agriculture, d’autres le ferons pour nous, en toute bonne volonté mais sans connaître nos réalités. Et alors…» commente le maïeur, qui constate toutefois un amenuisement de l’intérêt des agriculteurs pour la chose politique. «La preuve, j’étais malheureusement le seul de la profession à me présenter lors de ces élections». Un problème sans aucun doute lié à la difficulté de se rendre disponible, dans un contexte où l’agriculteur dispose de moins en moins de temps en raison de tout l’administratif qui lui incombe désormais.
Or, c’est le prix à payer pour garder une maîtrise décisionnelle. «De plus en plus de personnes s’intéressent à la verdure, à l’environnement, au bien-être animal… mais sans comprendre que les préoccupations des agriculteurs sont les mêmes. Nous aimons nos animaux et nous travaillons pour l’environnement. C’est cette méconnaissance, même dans une commune rurale comme la nôtre, qu’il nous faut combattre pour viser le bien vivre ensemble». Et de conclure, s’adressant aux agriculteurs dans leur ensemble : «Intéressez-vous et investissez-vous dans les différentes instances de votre commune tels qu’une Commission agricole. Je sais que l’on vous demande beaucoup de choses, mais c’est très important!».
Geneviève Flemal-Ottoul
(Probable échevine à Incourt)

Conseillère sortante à Incourt, petite commune du Brabant wallon, Geneviève Flemal-Ottoul a été réélue avec un très beau score personnel. De quoi la positionner en ordre utile pour une fonction scabinale. «Dimanche soir, il était question de m’octroyer l’environnement et la communication. Pour ma part, je ne conçois pas d’être échevine sans disposer des matières agricoles» confesse-t-elle au lendemain du scrutin. Car si elle s’est présentée, c’est justement pour soutenir les agriculteurs et être leur relai vers d’autres instances. «On a été mis de côté pendant plusieurs années et délaissées. Il est temps que ça change, que tout le monde sache comment vivent les agriculteurs et le monde agricole dans sa globalité. C’est véritablement ces valeurs-là que je voulais défendre». Est-ce à dire son engagement est la résultante d’un fossé de méconnaissances grandissant entre les agriculteurs et le reste de la population ? «Je pense qu’il existe un rapprochement depuis quelques mois. Le fossé était plus important par le passé, nous étions alors considérés comme des pollueurs, des gens qui faisions tout et n’importe quoi… Nous n’étions plus écoutés et il n’y avait plus d’intérêt pour nous. Mais cela reste encore insuffisant. Même au sein de ma liste qui prône la ruralité, je pense qu’ils ne voient pas encore ce que l’on peut vivre dans une ferme». Un quotidien difficilement compatible avec un engagement politique ? «C’est clair, ce sera fort compliqué pour moi. Nous sommes ici sur une ferme laitière, où nous avons développé la vente directe de fromages, glaces, beurre, yaourts… C’est très chronophage. Si je deviens échevine, je devrais dégager du temps, c’est indéniable!»
Daniel Debarsy
(Conseiller de l’opposition à Bastogne)

Après avoir été conseiller communal à Bertogne, voici donc Daniel Debarsy parti pour un deuxième mandat, cette fois dans la toute nouvelle commune élargie de Bastogne. «J’ai toujours voulu défendre ma profession» confie-t-il. Lui qui s’était distingué en se battant bec et ongle pour faire entendre raison à la Ministre Tellier sur l’adoption d’un point d’abreuvement pour le bétail le long des cours d’eau clôturés. «Un combat dans lequel je n’ai reçu aucun soutient de mon ancien exécutif. D’où cette conclusion implacable: quand il n’y a pas d’agriculteur au sein d’un conseil communal, c’est dramatique pour notre corporation».
Daniel Debarsy reconnaît toutefois qu’il n’est pas toujours facile de libérer du temps pour s’engager en politique. «Il faut toujours s’organiser. D’où, la fonte du nombre de candidats agriculteurs». Seule éclaircie dans la grisaille, la relève vient désormais des épouses ou campagnes d’agriculteurs. «Lors de ces élections, il y en avait trois sur les listes. C’est réconfortant».
Laurent Bournonville
(Conseiller de la majorité à Profondeville)

Chez les Bournonville, on a le virus politique de père en fils. Marchant sur les pas de son papa, Jean-Marie, qui fut échevin, Laurent a obtenu un siège de conseiller au sein de ce qui devrait être la future majorité profondevilloise. Un engagement politique qui trouve une triple motivation : «Je suis le seul candidat agricole de la Commune ; je veux défendre la ruralité et maintenir l’église aux milieux des villages ; et puis j’ai toujours préféré être acteur que spectateur» confie l’agriculteur de Bois-de-Villers, conscient de se voir endosser la responsabilité d’être un peu la voix de l’agriculture au sein de l’hémicycle communal. «Je pense que la plupart de mes confrères me reconnaissent une légitimité. Souvent, lorsqu’ils ont des doléances à partager, ils me contactent, comme lorsqu’il y a des dégâts aux cultures, des problèmes de sécheresse ou d’inondations. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi. C’est important qu’ils sachent qu’ils ont une voix au sein du conseil».
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