Marc Botenga (PTB) et la PAC :
« Il faut revoir le modèle agricole en faveur des petites exploitations »
Les élections approchent à grands pas et le jeu de chaises musicales de la composition des listes est (enfin) arrivé à son terme. L’occasion pour votre Pleinchamp de rencontrer les hommes et femmes politiques qui nous ont représentés au cours de cette législature pour revenir avec eux sur certains sujets qui ont animé le secteur agricole au cours de ces dernières années… et qui constitueront surtout les grands enjeux politiques qui seront menés au lendemain des élections! A travers la dénonciation de l’économie de marchés, la taxation des surprofits et davantage d’interventionnisme de l’Etat, le PTB s’inscrit comme le défenseur des petites et moyennes exploitations.
Propos recueillis par Ronald Pirlot

Pleinchamp: quel bilan tirez-vous de la politique agricole menée par l’Europe durant cette législature?
Marc Botenga: «Ecoutez, ça avait très mal commencé avec l’approbation de la PAC, à laquelle nous nous étions opposés pour deux raisons. Primo, nous sommes contre le modèle agricole promu qui, à travers sa politique des marchés et des subsides, profite surtout aux plus grandes exploitations. Secundo, cette PAC s’inscrit dans un cadre de marché global, avec de moins en moins de protection. Ce sont deux principes avec lesquelles nous voulions rompre. Ça n’a pas été le cas. De sorte que, lorsqu’est apparu le Pacte vert, ça a été la goutte qui a fait déborder le vase des impositions. Ce qui n’a pas amélioré la situation, malheureusement».
Pour une banque publique d’investissement
PC: Comment pensez-vous pouvoir aller à rebrousse-poil de cette logique de marché?
MB: «Il y a différentes choses. Tout d’abord, la question du marché international. Toutes une série de protections n’existent plus aujourd’hui. On peut parler de la pertinence des quotas, mais également des traités de libre-échange. On a conclu une série de traités sans prendre en compte la spécificité de notre agriculture et sa production avec ses normes. Au contraire, au niveau mondial, on a vu une prise de pouvoir des quelques géants de l’ensemble de la chaîne alimentaire. Je parle des Cargill, Groupe Louis-Dreyfus, Archer Daniels Midland… qui, sans être connus du grand public, jouent un rôle fondamental dans nos caddies en achetant les céréales, en produisant les matières grasses, le glucose… Et là encore, l’Union européenne n’a pas agi. Un autre exemple, ce sont les banques. Si vous voulez reprendre ou acheter une exploitation, vous dépendez de banques privées qui vont vous mettre sous leur emprise. Et là encore, l’UE a opéré un transfert de pouvoir vers les grandes banques».
PC: Et quelle serait votre solution pour aider autrement les jeunes candidats repreneurs?
MB: «On pourrait avoir le principe du financement par une banque d’investissement publique, qui pourrait fournir des crédits bon marché aux agriculteurs. Si on veut promouvoir des jeunes agriculteurs, il faut leur donner accès à ces fonds, à travers par exemple un fond de transition pour promouvoir les technologies durables et les projets agroécologiques. Ce qui est différent du Green Deal et de ses impositions assorties de sanctions. Sans ce soutien, on va rester dans la même logique qu’on subit depuis 20-30 ans et la disparition continue de nos agriculteurs».
«Taxer ceux qui font des surprofits»
PC: Mais l’Etat a-t-il les moyens d’y subvenir, dès lors que l’on constate déjà un endettement public important en Wallonie?
MB: «Ce seraient des prêts avantageux, pas des cadeaux, entendons-nous bien. Et il y a des revenus à aller chercher. Quand je vois au niveau européen le nombre de pistes qui existent et qui n’ont pas été concrétisées ! Je pense à la taxe sur les multimillionnaires, mais aussi à une taxe sur les surprofits des grandes multinationales de l’énergie, du secteur pharmaceutique… Mais aussi agro-alimentaire avec les multinationales susmentionnées. Ou encore sur les transactions financières. Ce serait une taxation juste de ceux qui aujourd’hui profitent le plus de la situation. De l’argent, il y en a. Mais il faut selon moi changer les règles d’attribution».
PC: quelles pourraient-elles être?
MB: «Si on reste dans la logique de la superficie, on va continuer à pousser vers l’agrandissement des exploitations et de l’intensification, voire aider de grands propriétaires terriens qui, parfois, n’ont même pas d’activité agricole. Ce sont des minorités, mais ça existe.
La première de ces règles devrait donc être l’activité agricole réelle de ces exploitations. Et pour favoriser les petites exploitations, on pourrait plafonner les aides ou les rendre dégressives en fonction de la superficie…».

En marge de la gauche traditionnelle
PC: Vous vous démarquez couramment des partis de gauche dits traditionnels. Quelle logique préside vos votes?
MB: «Nous savons qu’il y a une transition climatique et environnementale à faire urgemment, mais nous ne voulons pas d’un Pacte vert qui fasse payer les gens, qui détruisent les petites et moyennes exploitations agricoles alors que ce sont justement celles-là qui sont les plus à-même, selon nous, à opérer la transition agroécologique que l’on voudrait. Donc, oui à une transition climatique, mais réfléchissons à l’impact social de ces mesures. Nous avons voté contre le rejet de la voiture à essence tant qu’il n’existe pas d’alternative pour faire autrement. Et en ça, on se démarque effectivement d’un parti comme Ecolo».
PC: Comprenez-vous que votre discours peut apeurer les plus gros propriétaires? Doivent-ils craindre une déprivatisation au profit du plus grand nombre?
MB : «Déprivatiser, ça suggère une nationalisation! On est un peu dans la caricature communiste, là! Ce n’est pas du tout ça. Ce que nous voulons arrêter, c’est le processus de concentration des exploitations aux mains de quelques-uns, tandis que des familles sont contraintes de vendre leurs terres parce qu’elles n’y arrivent plus. C’est pour ça qu’il faut mieux protéger les petites et moyennes exploitations».
Une juste rémunération
PC : Vous êtes un parti qui revendiquez très fortement une juste rémunération du travail. Or, la question du revenu est justement au centre des revendications des agriculteurs. Comment feriez-vous pour rencontrer leurs préoccupations?
MB : «C’est la base évidemment. Pourquoi faire un métier qui ne vous permet pas de survivre, ou à peine? Il y a quelques mesures phares à prendre rapidement.
– D’abord, avoir une plus grande transparence au niveau des marges bénéficiaires de distributeurs. Et ensuite mettre en place des mesures pour mieux répartir ces marges. Cela passe par plus de transparence et des moyens supplémentaires pour l’Observatoire des prix.
– Deuxièmement, pouvoir garantir des prix de base et déconnecter les revenus des aléas du marché. On pourrait par exemple avoir un système de stock stratégique. Ainsi, en période de surproduction, le Gouvernement constitue des réserves et, s’il y a une pénurie, le Gouvernement peut remettre ces stocks sur le marché.
– Troisièmement, on peut stimuler publiquement la vente directe. Par exemple avec la fourniture de produits locaux de qualité aux cantines scolaires pour ancrer davantage notre agriculture sur le territoire. Ça participe à un mieux tant au niveau de la santé publique qu’au niveau de l’agriculture. Il faut savoir que souvent, sans le repas chaud de l’école, un enfant n’en aurait aucun sur sa journée. Et c’est effectivement une question de financement. Mais est-ce qu’on est prêt à mettre cet argent dans les écoles, ou préfère-t-on une politique d’austérité? De nouveau, pour nous, il faut cibler les intermédiaires qui font des surprofits. Ce n’est ni à l’agriculteur, ni au consommateur de payer».
PC : Vous êtes plutôt Observatoire des prix ou loi Egalim comme en France?
MB : «C’est une bonne question. Si nous avons inscrit l’Observatoire des prix dans notre programme, c’est parce qu’il existe et qu’il y a une urgence. Maintenant, nous sommes prêts à discuter d’autres politiques européennes».
PC: Dernière question, comment vous positionnez-vous par rapport à l’élargissement européen?
MB: «Nous sommes contre, pour plusieurs raisons. Prenons l’Ukraine. Faut-il faire rentrer dans l’UE un pays qui est en guerre? En outre, c’est un pays où les salaires sont beaucoup plus bas qu’en Belgique. Le salaire minimum légal y tourne autour de 200€/mois. Ça risque de créer un dumping social, non seulement au niveau des produits agricoles, mais aussi au niveau des travailleurs dans des secteurs comme la construction, le transport… Sans compter qu’il y a la question des critères pour rejoindre l’UE et personne ne dit que l’Ukraine y répond? Je pense que ce serait un désastre pour l’agriculture européenne, entre autres».
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