débat électoral : dernier round avant les élections
PAC, quotas, biodiversité…
À l’invitation de la FWA, les 6 partis ont débattu une dernière fois avant le scrutin européen de ce 9 juin. Un débat polissé, à l’exception de très rares petites escarmouches, où il fut question de réforme de la PAC, de budget européen complémentaire pour financer les efforts en faveur de la biodiversité, d’adhésion (très) progressive de l’Ukraine… Mais aussi de retour des quotas (betteravier et laitier). Par contre, pas grand-chose sur la question du renouvellement des générations.
Ronald Pirlot

Bernard Mernier a demandé aux 6 candidats d’expliquer pourquoi voter pour eux
À quelques jours du scrutin européen, les locaux de la FWA ont accueilli les 6 partis traditionnels pour discourir une dernière fois de leur programme agricole respectif. Face à eux, un parterre d’une soixantaine d’agriculteurs et agricultrices, particulièrement attentifs… et réactifs. Les émissaires des différents partis étaient Isabelle Durant (Ecolo) ; Fabienne Winckel (PS) ; Benoît Cassart (MR) ; André Crespin (PTB) ; Fabrice Van Dorpe (DéFI) et Yvan Verougstraete (Les Engagés). À noter que Fabrice Van Dorpe, victime d’un léger malaise, a dû écourter ses interventions.
1. PAC: pas touche à l’enveloppe!
À tout seigneur tout honneur. C’est bien évidemment le sujet de la PAC qui a introduit la soirée. Avec une unanimité: «pas touche!» à l’enveloppe globale. Là où il existe des disparités, c’est dans la répartition des sommes. Ecolo est pour une réforme qui prévoit un transfert d’argent en diminuant le pilier 1 pour renforcer le pilier 2. Le MR plaide quant à lui pour un budget complémentaire à la PAC pour financer les questions environnementales. Les Engagés sont également alignés sur cette position : «Le financement de la Loi sur la restauration de la nature ne doit pas être ponctionné sur la PAC, mais doit venir en surplus» précise Yvan Verougstraete. Du côté du PS et du PTB, on souhaite une réforme du système de distribution des aides pour qu’elles soient attribuées à l’unité de travail, et non plus à la superficie. «Ce n’est pas normal que 20% des exploitations engrangent 80% des aides» commente Fabienne Winckel. Isabelle Durant plaide pour que le critère soit la qualité de la production. Tandis qu’André Crespin veut un plafonnement des aides pour les grandes exploitations.
«La PAC, c’est 30% du budget européen. Ça paraît énorme. Mais il ne faut pas oublier que le grand bénéficiaire, c’est le consommateur européen qui dispose d’une nourriture de grande qualité sans entraver son pouvoir d’achat. Et ça, beaucoup l’oublient» ajoute Benoît Cassart.
PAC et environnement
Le verdissement de la PAC est une réalité. Mais qui pour la financer? «L’agrobusiness. Et sortir de la logique punitive pour adopter une logique incitative» répond tout de go André Crespin. Pour le MR, il faut avant tout se rendre compte des efforts déjà consentis avec une réduction de 50% de l’usage des produits phytos. «Le problème, c’est le manque de cohérence. On fait payer aux agriculteurs européens des contraintes qui ne sont pas de mises dans le reste du monde» précise Benoît Cassart, qui anticipe sur les clauses miroirs. «Vous n’avez pas tout à fait tort. Mais ne faut-il alors rien faire? Et je suis d’accord que pour tout service que vous rendez à la nature soit payé en contrepartie» rétorque Isabelle Durant. «Nouvelle-Zélande, Chili, Mercosur… On veut imposer des normes de l’autre côté du monde… mais sans la capacité de protéger nos propres producteurs» condamne Yvan Verougstraete. «L’effort environnemental ne doit pas peser sur les agriculteurs. Il faut au contraire accompagner ceux-ci» déclare Fabienne Winckel. «Et être auto-suffisant, mais pas au-delà. On voit avec le lait que cela peut vite mener à une catastrophe» conclut Fabrice Van Dorpe.
«Laissez-nous travailler»
Des propos qui font réagir les agriculteurs. «Nous venons de vivre 5 ans avec une Commission beaucoup trop verte, dirigée par Timmermans qui a jeté un vent de folie sur le monde agricole. Vous voulez diminuer le 1er pilier pour augmenter le 2e? Si c’est ça, vous allez encore réduire un peu plus nos revenus. Si vous voulez un budget environnement, créez-le. En attendant, laissez-nous travailler!» fustige Etienne Ernoux, agriculteur. Pour Isabelle Durant, faire le procès de Timmermans n’a pas lieu dès lors que tant la stratégie de la Ferme à la Fourchette que le Green Deal n’ont, selon l’Ecolo, pas encore été appliqués. «Et les objectifs des 25% de bio ainsi que la réduction du budget du 1er pilier pour alimenter le 2e pilier, ce n’est pas du concret?» rétorque un agriculteur. «J’ai parfois l’impression que le consommateur pense que la nourriture tombe du ciel. En Europe, nous sommes entre 110 et 120% autosuffisants. La marge est faible!» relève Benoît Cassart. Tandis qu’Yvan Verougstraete plaide pour «une mutualisation des risques inter-filières et une recherche soutenue pour trouver des alternatives».
2. Revenu: des prix rémunérateurs!
Que mettre en œuvre pour garantir des revenus justes aux agriculteurs? «Il est clair que la relation avec la grande distribution est problématique» dénonce Isabelle Durant, qui prône pour un Egalim au niveau européen. Pour le PTB, il faut plutôt un observatoire européen des prix et mesurer les marges des 4 géants de l’agrobusiness (ADM, Bunge, Cargill et Dreyfus) pour mieux les taxer. «La réalité des prix, c’est celle de l’offre et de la demande. Nous ne sommes pas dans une économie dirigée. Alors certes, le système a montré des limites dans un marché mondialisé, mais ce n’est pas l’observatoire qui va fixer les prix. Il faut des clauses miroirs» rétorque Benoît Cassart. «Un marché boursier sur des matières périssables, ce n’est pas adapté. Même si ce ne sera pas simple, je pense qu’il faut pouvoir sortir de la logique d’une bourse comme Chicago pour les prix des céréales. Pour ça, il faut être créatif… et s’en donner les moyens» explique de son côté Yvan Verougstraete, après avoir entendu un agriculteur déclarer que son blé vendu 150€ voici quelques semaines, s’approche désormais des 200€! Ecolo partage cette logique de sortir l’alimentation de la logique commerciale. «Le sujet du revenu est important. Je regrette que la proposition d’une loi Egalim au niveau fédéral n’ait pas pu aboutir, le MR ayant quitté la salle. Ça aurait été une avancée majeure pour pouvoir mieux négocier avec la grande distribution » regrette Fabienne Winckel.
«On préfère des prix rémunérateurs plutôt que des subventions. Comment voulez-vous vous rivaliser avec des pays dont la main-d’œuvre est payée 125€/mois» dénonce Didier Labye. Jules Jehaes abonde dans ce sens. «Dans les Landes françaises, des propriétaires sont sortis de la logique de la PAC car ils y perdaient plus qu’ils y gagnaient. Ça risque d’arriver ici».
3. Libre-échange
Tout naturellement, le débat évolue vers les accords de libre-échange. «Même si on contracte des accords obligeant le partenaire à œuvrer pour l’environnement, cela n’a aucun sens de faire venir de l’alimentation, disponible chez nous, depuis l’autre côté de la Terre» fustige André Crespin. «Il faut des accords justes, basés sur le bon sens» surenchérit Fabienne Winckel. «Et oser remettre le critère du pays d’origine au centre du jeu» ajoute Yvan Verougstraete. En même temps, il ne faut pas se couper des marchés car, la Belgique est aussi exportatrice rappellent l’un et l’autre. «Le mot «quota» pour le système betteravier et le lait ne doit plus être tabou» lâche Benoît Cassart, surfant sur les propos de Nicolas Annet constatant que la situation était moins problématique sous l’ère des quotas. «Mais avec quel argent? Impossible d’instaurer des quotas sans financer cette forme de protectionnisme» rétorque Benoît Geron. «Je pense que le mot «préférence» est nettement plus approprié que «protectionnisme». Il faut faire attention de ne pas mettre un bouclier sur notre industrie» ajoute Isabelle Durant. «Mais attention également de sauver la filière agricole européenne. Car la fermer, c’est facile. La remettre en état, c’est très lent» prévient Yvan Verougstraete.
4. Votez pour moi!
À la question de Bernard Mernier de savoir pourquoi voter pour eux, les candidats ont répondu:
Fabienne Winckel (PS): «L’agriculture, qui est un secteur essentiel, a besoin de régulation, tant au niveau de la PAC que pour l’accès à la propriété, en concertation avec vous».
Isabelle Durant (Ecolo) : «Il faut réformer la PAC et passer à une subvention sur une logique de qualité plutôt que d’hectares et faire mieux avec d’autres types d’intrants. Mais il faut vous en donner les moyens».
Benoît Cassart (MR) : «Il est urgent de doter ce Parlement d’hommes de terrain, de mettre fin à l’agri-bashing, de réclamer l’autonomie stratégique alimentaire de l’Europe».
Yvan Verougstraete (Les Engagés) : «Ces questions ont été au cœur de l’engagement de Benoît (Lutgen). Je veux prendre la suite et infléchir les décisions pour se donner les moyens de ses ambitions».
Fabrice Van Dorpe (DéFI): «Il faut rendre un peu de souveraineté aux gens de la ferme et arrêter de matraquer les agriculteurs de règlements et de contrôles».
André Crespin (PTB) : «Nous voulons remettre la question de la rémunération juste au centre de la PAC et réintroduire les quotas. Mais aussi soutenir les jeunes agriculteurs».
5. Conclusion
En guise de conclusion, Marianne Streel a réaffirmé la volonté de la FWA d’être présente à Bruxelles, de continuer à dialoguer avec les représentants politiques, avec le souhait d’avoir une écoute et le sentiment de prendre en considération les réalités du monde agricole. «Tout ce qui s’est passé depuis le début de l’année résulte de la déconnexion avec le monde agricole! Nous vous demandons de garder en tête la question de notre revenu et de nos réalités agricoles. Nos fermes vous resteront ouvertes. C’est en essayant de comprendre l’autre qu’on arrivera à maintenir la diversité de l’agriculture et emmener tout le monde vers toujours plus de durabilité». La parole est désormais aux urnes!
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