Semer le changement:

pourquoi l’Europe a besoin de la voix des agriculteurs?

Du 6 au 9 juin prochain, 400 millions d’électeurs européens décideront de notre avenir commun. Ces élections interviennent dans un contexte géopolitique particulier et nécessitent plus que jamais une action coordonnée au niveau européen, notamment en matière d’agriculture.

Ségolène Plomteux et Martin Van Kerckhove, stagiaire en Droit européen

©European-Union,-2023—Architecture-Studio

À l’occasion de la publication du rapport d’activités de la période 2019-2024 de la COMAGRI (Commission de l’Agriculture et du Développement rural), on vous propose de revenir sur son rôle crucial en matière d’agriculture, mais également de rappeler pourquoi il est important d’aller voter le 9 juin.

2019-2024 : cinq ans consacrés à la résolution des crises

L’agenda des travaux de la COMAGRI a été bouleversé lors de cette dernière législature: la crise de la Covid-19, l’invasion russe de l’Ukraine, l’arme de la sécurité alimentaire brandie par Poutine, l’augmentation des évènements climatiques extrêmes ou plus récemment l’instabilité en Ukraine et au Moyen-Orient ont redéfini les défis prioritaires. Voici un compte rendu succinct des travaux et des résultats de la commission[1].

 

[1] Vous pouvez retrouver ce rapport ici (uniquement en anglais).

  • La stratégie « Farm to Fork »

La stratégie «Farm to Fork» est une initiative clé du Green Deal qui vise à mettre en place des systèmes alimentaires européens durables, équitables, sains et respectueux de l’environnement. Stratégie lancée en mai 2020, ses éléments évoluent à des rythmes différents, et ses objectifs et priorités font l’objet de nombreux débats. La COMAGRI, qui a participé à l’élaboration du texte de base, continue de contribuer à façonner les différents éléments de cette stratégie[1].

 

[1] https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_ATA(2021)690622

  • La PAC

Les rapports concernant la PAC sont les principaux fruits des travaux de la COMAGRI. Les instruments adoptés sont les règlements (UE) 2021/2115, 2021/2116 et 2021/2117. Plus récemment, le 15 mars 2024, la Commission européenne a présenté une proposition visant à apporter des ajustements bien ciblés aux règlements relatifs aux plans stratégiques de la PAC afin de remédier à certaines difficultés rencontrées dans leur mise en œuvre. La COMAGRI a souligné que grâce à cette approche, la Commission a apporté une réponse majeure et inédite aux préoccupations soulevées, tout en visant à maintenir et à défendre l’orientation générale de la PAC actuelle et son rôle dans le soutien de la transition de l’agriculture européenne vers une agriculture durable.

  • Le développement rural

La commission s’est penchée très sérieusement sur le renouvellement des générations d’agriculteurs. Ayant conscience que ce renouvellement est essentiel pour la durabilité sociale, économique et environnementale des zones rurales et pour la sécurité alimentaire de l’UE, la commission a reconnu que la PAC pouvait jouer un rôle dans le maintien des obstacles à l’entrée des jeunes et des nouveaux agriculteurs dans le secteur. La COMAGRI incite donc la prochaine législature à mettre davantage l’accent sur la création d’emplois de qualité dans le secteur agricole, en garantissant des droits, des salaires et des conditions de travail stables et équitables.

Les travaux sur le développement des zones rurales ont débouché sur le Rural Action Plan. La COMAGRI a demandé à la Commission européenne et aux États membres d’accorder la plus haute priorité à la mise en œuvre de ce plan, en fixant des objectifs quantitatifs clairs et contraignants à atteindre, de veiller à ce qu’il soit accompagné des ressources nécessaires à sa mise en œuvre effective et de garantir que les zones rurales soient effectivement plus fortes, connectées, résilientes et prospères d’ici à 2040.

©Union européenne 2024 – Claudio Centonze

  • La sécurité alimentaire et la chaîne d’approvisionnement alimentaire

La COMAGRI a voté plusieurs résolutions cruciales, souvent en collaboration avec la Commission Environnement du Parlement (COMENVI). Les domaines sont divers et variés: la communication sur la stratégie Farm to Fork (de la ferme à la fourchette), le plan d’action de l’UE en faveur de l’agriculture biologique, l’étiquetage des aliments biologiques pour animaux de compagnie…

Un rapport important de la COMAGRI est celui intitulé «Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture européenne». Il a été adopté suite à la pandémie de COVID-19 et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, évènements qui ont mis en évidence des problèmes structurels dans le secteur agricole européen. Plusieurs points importants ont été soulignés dans ce rapport:

– L’UE doit agir immédiatement pour protéger la sécurité alimentaire contre des menaces telles que le changement climatique et la perte de biodiversité ;

– La Commission européenne doit présenter un plan stratégique global pour assurer la sécurité alimentaire de l’UE. Le Parlement européen a souligné la nécessité d’identifier un nouveau soutien financier pour assurer la sécurité alimentaire de l’Europe et des pays tiers ;

– La nécessité urgente d’aligner la politique commerciale de l’UE sur les normes européennes en matière d’alimentation durable afin de ne pas entraver la compétitivité de l’UE.

  • La santé des plantes, la sylviculture et l’horticulture

Divers sujets ont occupé les travaux de la COMAGRI, tels que le règlement sur les matériels de reproduction des végétaux, le règlement relatif aux matériels forestiers de reproduction ou la proposition de modification du règlement (UE) 2016/2031 concernant les mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux.

  • La santé et le bien-être des animaux

Le principal rapport dans ce domaine est le rapport sur le bien-être des animaux dans les exploitations agricoles, mettant en exergue la nécessité d’une clarification législative en la matière.

Dossiers à plus large portée

À côté de ces dossiers dont la COMAGRI avait la compétence principale, elle a aussi pu donner son opinion sur d’autres dossiers ayant une portée plus large mais ayant un impact direct ou indirect le secteur agricole, dans lesquels il est important de faire valoir la voix du secteur agricole. Nous vous proposons de revenir principalement la collaboration que la COMAGRI a eu avec deux autres commissions : celle en charge de l’environnement et la santé publique (COMENVI) et celle en charge du commerce extérieur à l’Union Européenne (COMINTA)

  • Les dossiers partagés avec la COMENVI

Suite à la mise en place de la stratégie du Green Deal, la COMENVI a eu un rôle primordial lors de cette législature a eu à traiter dossiers toujours en cours tels que ceux attrayant à la santé des sols, la gestion des forêts, biodiversité comme le texte du règlement sur la restauration de la nature, actuellement bloqué au niveau du Conseil des ministres. Un autre texte important mais d’une autre façon pour le secteur agricole et aussi bloqué au niveau des Etats-Membres est celui des nouvelles techniques génomiques.

D’autres dossiers finalisés de la COMENVI ont marqué la fin de la législature tels que la directive sur les émissions industrielles très impactant pour l’élevage européen ainsi que les règlements sur les emballages et les déchets d’emballage.

  • Les accords de libre-échange avec COMINTA

La COMAGRI est aussi consultée lors de le développement des relations commerciales ou de coopération de l’Union Européenne avec le reste du monde, comme lors de la conclusion des accords de libre-échange tels que celui avec le CETA ou le récent avec la Nouvelle-Zélande. Elle a aussi pu donner son opinion lors mise en place de nouvelles règles suites au Brexit et récemment avec les mesures d’ajustement du marché depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Le rapport de la COMAGRI: une base solide pour l’action future

Ce rapport est nourrissant pour deux raisons: d’une part, il permet d’avoir une vue d’ensemble des travaux sur lesquels les députés se sont penchés et ont travaillé, offrant ainsi une perspective exhaustive sur les différentes initiatives, discussions et décisions prises dans le cadre de la commission. D’autre part, il constitue une ressource précieuse pour les nouveaux membres, en leur fournissant une vue d’ensemble utile des priorités et des réalisations de la commission au cours du mandat écoulé.

La prochaine législature devra en effet répondre à un nombre de défis cruciaux pour notre avenir, notamment l’intégration de l’Ukraine dans l’UE, le renouvellement des générations d’agriculteurs, les défis du changement climatique et de la biodiversité, la sauvegarde de notre modèle agricole pour assurer notre sécurité alimentaire, et la garantie de la cohérence de nos politiques commerciales et du marché intérieur.

Plus encore qu’hier, il est essentiel que les agriculteurs européens s’impliquent et votent, afin de donner une forte légitimité aux mesures prises et de garantir que la voix des acteurs du monde agricole soit entendue au sein des prochaines formations des différentes institutions européennes.

Donnons l’impulsion politique qui permettra de changer le paradigme agricole à Bruxelles!

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