Qui aura le dernier mot sur l’agrivoltaïsme ?

Les discussions vont bon train au sein du groupe de travail «Cluster Tweed»

Les discussions vont bon train au sein du groupe de travail «Cluster Tweed» rassemblant les énergéticiens et les organisations agricoles autour de la grande question de l’agrivoltaïsme. Alors qu’un avis commun sur cette thématique arrive à son terme, comment nos mots seront-ils interprétés? Vers quel côté de la balance les politiques pencheront-ils? Résumé en avant-première.

Lucie Darms, Conseillère Air-Climat, Energie, Recyclage, Agroécologie et Apiculture

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«Qui aura le dernier mot?», ou plutôt «qui aura le premier?» Nous sommes aujourd’hui en Wallonie à un tournant. L’agrivoltaïsme essaie de se créer une histoire, comme dans nos pays voisins. La Fédération Wallonne de l’Agriculture a toujours défendu le caractère nourricier des terres agricoles. Aujourd’hui encore, le focus doit rester sur la production agricole à tout prix. C’est également ce que souhaitent les politiciens. Il est de notre devoir de leur rappeler l’agri-compatibilité (ou non) des panneaux solaires.

Première étape: les échanges

 y a un peu plus d’un an, la première rencontre eu lieu entre les «clans» énergéticiens et les organisations agricoles. Un Groupe de Travail du Cluster Tweed a spécialement été constitué pour encadrer ces discussions. Très vite, nous avons pu baisser la garde car nous étions réellement écoutés… et compris. Les intérêts des agriculteurs ont été au centre de la table, jusqu’au bout. Mais quand il s’agit de l’écrire sur le papier, vous comprendrez que chacun souhaite défendre sa croute… En effet, l’objectif du Cluster Tweed au terme de cette année était d’aboutir sur un «livre blanc» destiné à éclairer le nouveau Gouvernement sur la question de l’agrivoltaïsme.

 Force de proposition, la FWA semble toujours soutenue par la FUGEA et l’UNAB. La FJA laisse un siège vide et refuse de prendre part au débat.

 Le livre blanc, qui a été finalisé en date du 1er juillet 2024, sera présenté à nos membres le 11 juillet lors du Comité Directeur, conformément à ce qui est prévu dans la Charte. La décision de signer ou pas ce «livre blanc» vous revient. Pour l’instant, sont censés signer: 12 acteurs du secteur renouvelable, 2 gestionnaires de réseau, 1 partenaire académique et les organisations agricoles.

 Ce qu’il faut retenir, c’est que cette signature n’est pas déterminante. L’important est que notre avis ait été clairement entendu et que nous aboutissons à un compromis intéressant pour le politique. Le juste équilibre entre «montrer que l’agrivoltaïsme n’a pas aujourd’hui sa place en agriculture» et «anticiper et éviter les scénarios inadéquats». 

Deuxième étape: les demandes

Au sein du Cluster Tweed, tous les acteurs sont d’accord pour demander en priorité au politique d’activer des leviers au moyen de législations ou d’ajout de dispositions financières pour «privilégier ces voies alternatives de développement de production d’énergie photovoltaïque, hors des terres agricoles».

Pour rappel, les panneaux photovoltaïques pourraient prioritairement remplir les toitures des bâtiments agricoles avant de s’installer sur la terre agricole. Grâce à cela, les agriculteurs pourraient bénéficier de l’auto-consommation de leur production d’énergie et ainsi réduire leurs coûts d’exploitation. Avec l’excédent, ils pourraient fournir également le réseau local, via de potentielles Communautés d’Energie Renouvelable. Ce type d’installation pourrait aussi se trouver sur les zones extérieures de parcours d’animaux, ou les zones non-productives du point de vue de la biomasse végétale… D’autres surfaces imperméabilisées, friches ou bords d’autoroute par exemple, devraient également bénéficier d’une attention particulière afin de lever les freins à ces développements.

En ce qui concerne l’agrivoltaïsme, c’est-à-dire conformément à notre définition «quand une pratique consiste à installer, sur la même parcelle, des panneaux photovoltaïques et à mener la production de biens et services agricoles au sens large, en ce compris les cultures sous les panneaux, mais également les cultures autour des panneaux, le pâturage», nous demandons un «gel» pour toute acceptation de projets, tant qu’un cadre adapté n’est pas adopté pour la Wallonie.

Parce que le secteur agricole a besoin de garantie, nous demandons un cadre pour prioriser les démarches, que voici:

1) Des études doivent rassurer le secteur sur différents sujets:

• L’impact et l’intérêt pour un agriculteur wallon;
• Les limites de la pression foncière et de l’accaparement des terres potentiels;
• La différence de productivité (cultures ET élevage) avec et sans agrivoltaïsme;
• L’objectivation des caractéristiques de l’agrivoltaïsme face à d’autres énergies renouvelables, face au bilan de la production de chaque type d’énergie renouvelable et leur efficience: on en est où?;
• La capacité d’absorption/d’injection de l’énergie produite;
• Une cartographie des zones où le raccordement est intéressant (aussi hors zone agricole).
Certaines des informations de ces deux derniers points sont déjà disponibles, au niveau de chaque gestionnaire de réseau de transport et distribution. Ils devraient donc être explicités auprès du monde agricole.

2) Des définitions doivent préciser clairement les termes importants repris dans la circulaire sur l’agrivoltaïsme:

a. Projet pilote;
b. Agriculteur actif;
c. Projet agricole principal (par rapport à quoi?);
d. Qualité de terre «médiocre».

3) Des réflexions doivent envisager:

a. La mise en place d’un comité consultatif
Que les projets agrivoltaïques soient considérés comme des projets de «dérogation au plan de secteur», et donc demandent l’avis de différentes instances. Il faudra y faire appel à un représentant de la commune concernée par le projet, par exemple via la CCATM.

b. La redistribution des bénéfices tirés de la production de l’électricité entre les énergéticiens, les exploitants agricoles, les propriétaires fonciers, et aussi éventuellement les collectivités.
4) Des formations doivent sensibiliser les énergéticiens sur la réelle contribution agricole d’un projet agrivoltaïque.

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Conscients que sur base de ces premières demandes, le politique demandera aux secteurs de remettre un avis sur les modalités attendues, voici déjà ce que nous avançons. Sans surprise, cela diverge de ce que les énergéticiens voudront. En termes de timing, nous souhaitons attendre que ces démarches soient bien entamées, pour ensuite pouvoir lancer des projets pilotes. C’est seulement lorsque les résultats de tout cela seront visibles, et rassurants, que des projets agrivoltaïques pourraient être envisagés (donc pas avant 2030!). Et pour que ces projets agrivoltaïques répondent au mieux aux intérêts et aux besoins du monde agricole, nous avons également dressé une liste de critères d’application à respecter (qualité du demandeur, type de contrat, type d’installation, quotas de territoire, qualité agricole du projet, type de contrôles, etc). 

Dans la même logique, nous demandons à ce que les ressources financières prévues pour la promotion de l’agrivoltaïsme soient allouées dans cet ordre de priorité. Pour utiliser une bonne expression agricole, «il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs». 

Troisième étape: le suivi

Pour conclure, au sein du GT énergie de la FWA, nous restons attentifs à la suite des discussions sur l’agrivoltaïsme en Région wallonne. Si d’autres missions étaient attribuées au Cluster Tweed, nous en ferons partie. À la FWA, nous voulons être (pré)parés. Nous avons réfléchi aux aspects positifs, à encourager, et négatifs, à éviter, pour le bien général du secteur agricole. Nous avons été écoutés et nous restons force d’avis pour le politique et la mise en œuvre de son programme, duquel l’énergie ne sera pas épargnée. Plus que ça, nous souhaitons éviter un développement désordonné de l’agrivoltaïsme, qui serait plus couteux pour tous. Pour utiliser une autre expression: «le train ne passera pas sans nous!»

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