Satanés corvidés

Chaque année, ils reviennent en plus grand nombre et sèment le chaos dans les champs, se régalant des graines et jeunes pousses. Les corvidés sont devenus un fléau pour les agriculteurs. Peu de solutions existent pour y faire face, et quand on les met en place, d’autres problèmes surviennent…

Mathilde Guillaume et Didier Vieuxtemps

Jean Marot, agri-conseiller de Soignies, nous a alerté sur le cas d’un agriculteur de sa commune qui a mis en place un canon effaroucheur, plutôt efficace contre les envahissants corvidés, mais peu apprécié du voisinage. L’agri-conseiller a interpellé sa commune sur le cas de l’agriculteur en particulier, ainsi que sur cette problématique globale, sans pour autant avoir obtenu de réponse quant à une potentielle solution.

Un semis plus tardif

L’agriculteur cultive un champ à Braine-le-Comte. Début février, il y a emblavé une culture de froment d’hiver, une implantation tardive du fait des conditions de récolte de la culture précédente et des conditions climatiques de ce début d’année. De nombreux corvidés logeant dans les bois voisins se sont empressés de venir festoyer. Pour éviter des dommages à ses céréales, l’agriculteur a installé un canon effaroucheur. Celui-ci se trouvait à bonne distance des habitations et fonctionnait en journée.

Une surprise malvenue

Le 17 mars, l’agriculteur reçoit la visite de la police suite à la plainte d’une propriétaire de chevaux logés dans un manège voisin. Le canon ne respecterait pas l’article 241 du règlement communal, et plus précisément l’intervalle de temps qui sépare deux déflagrations. L’agriculteur s’empresse de régler le canon et tout est bien qui finit bien… ou presque. Quelques jours plus tard, il reçoit un PV dressé ainsi qu’une amende dont le montant maximum s’élèverait à 500€. Une surprise dont il se serait bien passé.

Plainte remontée à la commune

L’agriculteur a contesté cette amende, mais a fait part de son souci à son agri-conseiller qui a remonté l’information à l’échevin de l’agriculture et au bourgmestre de sa commune.

L’échevin affirme qu’il va écrire à la ministre Tellier afin de lui faire part de ces exemples concrets et des dégâts causés. Il a également rencontré le DNF «qui comprend les enjeux des agriculteurs par rapport à cette problématique mais qui se doit d’appliquer la législation et ligne de conduite du cabinet». Il espère donc obtenir des réponses du cabinet ministériel.

Le bourgmestre, également Président de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, se montre moins compréhensif: «nous sommes sans cesse interpellés par «des» citoyens pour «des» canons effaroucheurs. Si «on» n’envoie pas la police pour faire respecter le règlement général de Police, on nous taxe d’être laxistes («que fait la police»?) et des quartiers entiers s’élèvent contre nous. Si «on» envoie la police, on se fait taxer de manquer de latitude de la part d’un secteur en souffrance avec une problématique des corvidés qui doit se régler une fois pour toutes à un autre niveau de pouvoir.» La décision concernant l’amende est donc maintenant entre les mains du service des amendes administratives…

Une problématique globale

Les populations de corvidés ne font qu’augmenter, leur voracité aussi, et le retrait de toutes les solutions répulsives chimiques (et in fine silencieuses), ainsi que l’inaction des autorités régionales compétentes font que bon nombre d’agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de passer par les canons d’effarouchement pour tenter de lutter contre ces invasions et préserver leur bien, source de revenu. Bien qu’efficace, l’effarouchement par canon est loin de faire l’unanimité parmi les voisins ou encore, en cette période électorale, aux autorités communales… et l’agriculteur de se demander ce qu’il va bien pouvoir faire pour protéger ses champs de maïs à venir.

Zoom FWA

Depuis des années, la FWA dénonce une situation intenable pour les agriculteurs. Elle a organisé un sondage auprès de 300 membres et constitué un dossier bien argumenté sur les dégâts agricoles causés par les corvidés. Elle prône une simplification des demandes de dérogation et a obtenu un système de demande collective lancé en 2024. Elle demande aussi la mise en œuvre d’un mécanisme de dédommagement pour les dégâts commis par des espèces protégées comme les corvidés, ainsi qu’un monitoring sérieux des populations de corvidés en Wallonie.

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