Seul 1 bélier sur 5 fertile à 100%!
Foire de Battice
A l’initiative du Pôle ovin de la Foire de Battice, la Faculté vétérinaire de l’Université de Liège a procédé à des tests de fertilité sur 40 béliers. Et les résultats ne sont pas bons, voire même très inquiétants… De quoi inciter chaque éleveur à procéder à un test à l’aube de la période de lutte…
Ronald Pirlot
©Pleinchamp – RP
Le regard grave, les mines interrogatives… Les éleveurs de mouton regardent avec circonspection l’équipe du professeur Stefan Deleuze procéder aux tests afin de déterminer la qualité de la semence de leurs béliers. Une opportunité proposée à des éleveurs dont les béliers sont en ordre de vaccination ou guéris depuis suffisamment longtemps que pour présenter toutes les assurances sanitaires. Un test d’autant plus nécessaire que l’on sait que la FCO (Fièvre catarrhale ovine de sérotype 3), qui sévit actuellement, peut impacter temporairement (de 2 à 4 mois) la fertilité des géniteurs. A quelle amplitude. Là était tout l’intérêt de cette analyse.
Comment cela se passe-t-il ? Excité par la présence de brebis en chaleur, le bélier se voit prélever un échantillon de semence qui est analysé sur place. «Différents paramètres sont examinés sur cet échantillon, essentiellement de volume et de nombre de spermatozoïdes, ainsi que leur motilité (façon dont ils se déplacent). Ce qui permettra d’évaluer les chances d’avoir un agneau avec la semence du bélier analysé» explique Stefan Deleuze.
Plus de 50% des béliers inutilisables
Au terme de la première journée, la fertilité de 30 béliers a été analysée. «Et les résultats ne sont pas bons, ils sont même très inquiétants. La proportion de bélier avec un sperme a priori de mauvaise qualité est très importante. Plus de la moitié des béliers testés aujourd’hui ne pourront pas être utilisés pour la saison de lutte qui arrive. Si on devait qualifier le sperme en quatre catégories – excellent, moyen, questionnable et médiocre -, on pourrait dire que seul 1 bélier sur 5 présente une qualité excellente» commente Stefan Deleuze. Lequel ajoute toutefois qu’il faudra pondérer ces premiers résultats en fonction de la spécificité de l’élevage, et notamment du début de la saison de lutte, l’impact attendu étant plus grand pour ceux dont la période de lutte commence tôt.
Des résultats de nature à inciter à faire tester les béliers pour être certains qu’ils pourront remplir leur office dans les semaines qui viennent. «Car savoir où on va permet une meilleure gestion de son troupeau».
A noter que l’Université de Liège mène une enquête auprès des détenteurs de ruminants sensibles à la FCO3, afin de mieux comprendre la maladie. Vous pouvez y répondre via ce QR code ci-dessous. Ou en cliquant ici.
Martin Daywaille, éleveur de Bleu du Maine à Corbion (Ciney)
«Aucun de mes 3 béliers n’est apte à reproduire!»
«Le verdict est tombé et c’est la douche froide. Aucun de mes trois béliers n’est apte à reproduire dans les 6 à 8 prochaines semaines. Autant dire qu’après, la période de lutte sera passée. Pourtant, ils ont tous les 3 été vaccinés et l’un d’eux sautait les brebis… Tout portait à croire qu’ils remplissaient correctement leur rôle de reproducteurs. Heureusement que je suis venu faire le test, sans quoi je me serai retrouvé sans aucun agneau au printemps prochain. Il ne me reste plus qu’à trouver une solution, probablement l’insémination car trouver un bélier en cette période, ce n’est pas possible.
Franchement, je ne peux que conseiller à tout le monde de faire analyser la fertilité de leur bélier car mieux vaut une mauvaise nouvelle maintenant… qu’après la période de lutte. Ce qui n’empêche qu’on court vers la catastrophe, j’en ai bien peur».
En savoir un peu plus sur la FCO3
Bien que sur toutes les lèvres, la FCO3 reste très méconnue car c’est la première fois que l’Europe Occidentale y est confrontée. Raison pour laquelle David Jacqmin, responsable du Pôle Ovin de la Foire de Battice, a invité Ludovic Martinelle, directeur de la Ferme expérimentale de la Faculté vétérinaire de l’Université de Liège, à en présenter les contours. Voici un résumé de son exposé.
La fièvre catarrhale ovine (aussi appelée «Maladie de la langue bleue») est une maladie déjà ancienne, largement répandue en Afrique. Jusqu’il y a peu, elle était cantonnée en dessous du 40e parallèle Nord (ce qui correspond plus ou moins au bassin méditerranéen), raison pour laquelle elle était considérée comme une «maladie du Sud». Elle se transmet via la piqure des culicoïdes, ces insectes vecteurs d’épizooties virales, qui s’attaquent notamment aux ruminants domestiques et sauvages.
Un peu d’histoire
Mais voilà, en 2006 apparaît pour la première fois aux Pays-Bas la FCO de sérotype 8. Une catastrophe en soi dès lors que c’est totalement inattendu, assortie d’un tableau clinique étonnamment sévère chez les bovins. La Belgique perd aussitôt son statut « indemne », qu’elle ne recouvrera qu’en 2012. En 2015, la FCO de sérotype 8 réapparait en France. Quelques cas sont découverts en Belgique de 2019 à 2021. A l’occasion de ce nouvel épisode, la Belgique ne recouvrera son statut « indemne » qu’en juin 2023.
1.700 foyers en Belgique
A ce jour, l’on dénombre 1.700 foyers de contamination de la FCO3 en Belgique, pour 8.000 aux Pays-Bas et 5.000 en Allemagne. La France commence tout doucement à être touchée.
L’on recense 24 sérotypes dits typiques, qui ont tous des liens de parenté, à des degrés divers, entre eux, mais ne sont pas à l’origine d’une protection croisée. En d’autres termes, le vaccin contre le sérotype 8 n’immunise pas contre un autre sérotype.
Le sérotype 3, présent pour la première fois en Europe Occidentale, reste méconnu sous nos sphères. Ses symptômes sont des ulcérations buccales, des boiteries, de la fièvre et de l’abattement ainsi qu’une chute de production laitière chez les bovins. Quant aux ovins, ils affichent de la fièvre, des boiteries, présentent un air groggy avec un œdème de la face, ont parfois l’œil opaque et une salive abondante. Dans les deux espèces la FCO peut être à l’origine d’avortements et de mortalité embryonnaire. Chez les ovins la mortalité n’est pas rare et reste possible chez les bovins. Les caprins et les camélidés sud-américains ne sont pas épargnés mais présentent généralement une atteinte moins grave.
Quelques idées reçues
Comment s’en prémunir? Quelques idées reçues circulent. Petit tour d’horizon avec Ludovic Martinelle.
- Utiliser des insecticides et des répulsifs sur les surfaces et équipements. «C’est totalement illusoire et aberrant sur un plan purement écologique et économique».
- Gérer les sites de ponte et les gîtes larvaires. «Illusoire !»
- Traiter le bétail à l’aide de répulsifs et d’insecticides. «Ce n’est pas inutile, mais c’est clairement insuffisant».
Au final, il ressort clairement que «le meilleur outil de gestion pour espérer se débarrasser de la FCO3 est la vaccination. Il ne faut donc pas hésiter à vacciner au sein d’un troupeau, même si au sein de celui-ci certains animaux sont contaminés » conclut Ludovic Martinelle.
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